The Quest for Prosperity. How Developing Countries Can Take Off

par Jutin Yifu Lin Princeton University Press, 2012, 322 p., 22,13 euros.

Justin Yifu Lin est un économiste taïwanais qui a fait défection en Chine continentale. Rien ne le prédisposait donc à devenir le premier économiste en chef de la Banque mondiale issu d’un pays émergent. Enfin, si, il a quand même fait ses études à l’université de Chicago, notamment auprès du très libéral Gary Becker, présenté comme l’un de ses mentors.

Attaque en règle

Après quatre ans passés dans l’institution qu’il a quittée en juin dernier, il livre dans cet ouvrage la substance de ce que lui a appris cette expérience en matière de politiques de développement. Le résultat tient en trois leçons : les économistes n’ont rien compris au phénomène du développement ; un pays ne peut sortir de la pauvreté que s’il s’appuie sur les facteurs de production dont il dispose : la politique industrielle joue un rôle clé.

Le docteur Lin n’est pas tendre avec sa profession. A ses yeux, l’économie du développement "a été jusqu’à présent incapable de produire un plan intellectuel convainquant pour susciter et distribuer de la richesse dans les pays pauvres". Il n’hésite pas à dénoncer les modes changeantes auxquelles les spécialistes ont cédé, à avancer plusieurs attaques sur les erreurs d’analyse de la théorie néoclassique, et à reconnaître que les politiques de libéralisation à outrance résumées sous l’appellation de "consensus de Washington" n’ont pas fonctionné. Il a également tendance à passer tous les travaux réalisés jusque-là en économie du développement par pertes et profits (y compris les travaux récents de Dani Rodrik ou d’Esther Dufflo). Une position un peu exagérée pour qui a lu Albert O. Hirschman et bien d’autres.

Recette miracle

Il faut dire que Lin pense avoir trouvé à son tour la recette miracle du développement. Selon lui, un pays ne peut sortir de la pauvreté que s’il applique un principe simple : valoriser ses avantages comparatifs fondés sur les facteurs de production dont il dispose en abondance. Il ne doit pas chercher à créer de toutes pièces ces avantages : les stratégies de développement intensives en capital mises en oeuvre par de nombreux pays dans les années 1960 ne pouvaient qu’échouer à ses yeux, tant ces pays manquaient de capital. Le résultat a été de pousser à la hausse les taux d’investissement, mais trop vite face à des marchés domestiques étroits, ce qui a rapidement conduit à des surcapacités et des pertes de profitabilité comblées par des subventions qui ont plombé les budgets publics.

La stratégie consiste donc à trouver ce que sont les avantages comparatifs d’un pays. La méthode ? Regarder les Etats qui ont réussi en partant des mêmes facteurs de production et les copier à outrance ! Pour cela, il faut identifier les contraintes (capital humain, financement, etc.) qui frappent les entreprises privées qui pourraient se lancer et suivre les politiques publiques adéquates pour lever ces contraintes. Si aucun acteur local n’est en piste, il faut attirer les investisseurs étrangers. Une fois le mouvement lancé par le secteur privé, l’Etat doit le soutenir par une politique industrielle active, incluant la protection des industries naissantes, l’organisation de clusters industriels et le subventionnement pour faire émerger des leaders technologiques. Un livre assez iconoclaste, pas toujours convainquant, mais qui aide à réfléchir.

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