L’accord sur l’emploi va bouleverser le dialogue social
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L’accord sur la sécurisation de l’emploi du 11 janvier 2013 a déjà fait couler beaucoup d’encre. Mais la plupart des commentaires se sont focalisés sur son équilibre ou non entre ce que les uns et les autres ont gagné ou perdu en termes de flexibilité ou de sécurité des emplois. Un débat assez vain, car la réussite ou non de l’accord se jouera d’abord dans sa mise en pratique dans les entreprises.
La vraie question est de savoir si cet accord porte en germe la possibilité d’instaurer un dialogue social d’une qualité nouvelle dans l’entreprise. Et la réponse est indubitablement oui, à condition que les acteurs de ce dialogue jouent le jeu avec loyauté.
Ce texte fait en effet une large place aux accords d’entreprise, en laissant le soin aux acteurs d’organiser le dialogue tant lors du fonctionnement habituel de l’entreprise (modalités de consultation sur les enjeux stratégiques, par exemple) que lors des opérations de nature exceptionnelle (accords de maintien dans l’emploi, accords en cas de plans sociaux).
C’est un changement de paradigme important dans notre droit du travail, en lien avec la loi de 2008 sur la représentativité. Ce changement met l’accent sur la capacité des acteurs syndicaux à assurer un rôle accru dans ce dialogue social renouvelé. Cela nécessitera un effort important de formation des représentants syndicaux et des appuis en termes d’expertise et de conseil juridique. Mais cette capacité dépendra aussi de la loyauté avec laquelle le chef d’entreprise fournira l’information nécessaire au débat et à la construction éventuelle d’alternatives crédibles aux orientations stratégiques, réorganisations ou restructurations envisagées.
Le maître mot de l’accord, qui n’est pas souvent cité dans les commentaires, est en effet celui de l’anticipation : anticipation des mutations économiques de l’entreprise et de la filière dans laquelle elle s’insère, anticipation des mutations du travail et des métiers. La mise à disposition des représentants des salariés de données prospectives sur trois ans au-delà de l’année en cours est une avancée importante. Pouvoir se saisir de ces données, pour un comité d’entreprise ou un CHSCT, suppose cependant qu’elles soient fournies de façon loyale et sincère. C’est une condition indispensable pour que puissent se conduire les consultations et négociations prévues dans l’accord du 11 janvier sur les enjeux stratégiques, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, la mobilité interne ou encore les restructurations. Cet enjeu est d’ailleurs plus important encore pour les PME de moins de 300 salariés, moins préparées à cet exercice.
La responsabilité des acteurs est essentielle dans l’instauration de relations de confiance permettant de construire un dialogue social productif dans lequel les salariés soient véritablement acteurs en amont des décisions importantes de l’entreprise. Notre expérience montre que la culture du pouvoir lié à la rétention de l’information est cependant profondément ancrée dans la plupart des entreprises. Il faudra que cela change.
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