Société

Haro sur les déserts médicaux !

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Un rapport du Sénat fait seize propositions pour lutter contre les déserts médicaux, critiquant au passage les politiques dans ce domaine.

C’est un pavé dans la mare qu’a lancé le 5 février dernier la commission développement durable du Sénat, dans un rapport d’information intitulé "Déserts médicaux : agir vraiment". Dans ce document, les sénateurs dressent un constat sans concession des déserts médicaux en France et des politiques menées pour les contrer. Ecartant l’idée que les problèmes d’accessibilité à des professionnels de santé seraient liés à une carence du nombre de médecins (la France compte plus de 200 000 médecins, soit 330 pour 100 000 habitants, ce qui la place dans la moyenne des pays de l’OCDE), le rapport insiste surtout sur l’inégale répartition des praticiens sur le territoire.

C’est vrai pour les généralistes, dont le nombre pour 100 000 habitants varie du simple au double entre les territoires faiblement dotés et ceux les plus favorisés. Mais c’est surtout le cas pour les médecins spécialistes, pour lesquels l’écart de densité est de 1 à 8 entre, par exemple, le département de l’Eure et Paris. Outre la capitale, ce sont les grandes villes et les zones littorales du Sud qui sont les mieux loties en médecins. Citant de récentes études de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), le rapport souligne que 5 % de la population rencontrent des difficultés d’accès aux soins pour cause d’éloignement, soit pas moins de 3 millions de personnes. A ceci s’ajoutent le délai d’attente pour l’obtention d’un rendez-vous, qui atteint par exemple quatre mois et demi en moyenne pour un ophtalmologiste, ainsi que les dépassements d’honoraires, qui augmentent d’autant les difficultés d’accès aux soins. Pour certaines spécialités, ces dépassements peuvent être massifs, comme pour les gynécologues, qui sont plus de la moitié à les pratiquer.

Les sénateurs s’inquiètent d’une situation qui, selon eux, va en s’aggravant du fait de l’augmentation de la demande de soins, du déclin prévu de la démographie médicale et de la diminution du temps médical disponible, les jeunes médecins aspirant de plus en plus à mieux concilier vie professionnelle et vie personnelle.

Propositions radicales

Mais au-delà de ces constats, ce sont surtout certaines des seize propositions du rapport qui détonnent par leur radicalité. Critiquant l’absence de résultats décisifs des politiques de lutte contre les déserts médicaux conduites jusqu’ici, essentiellement basées sur des mesures incitatives, les sénateurs préconisent par exemple d’obliger dès à présent les jeunes médecins spécialistes à exercer pendant deux ans dans de petits hôpitaux. Ils proposent aussi un conventionnement sélectif, qui défavoriserait les médecins installés en zones surdotées et leur interdirait ainsi de se constituer facilement une patientèle.

Par ailleurs, le rapport propose des pistes pour modifier la formation des médecins, en prenant des mesures pour diversifier les origines sociales et géographiques des futurs praticiens, et d’adapter le nombre d’étudiants pour chaque filière en fonction des besoins recensés. Autant de propositions qui vont à l’encontre des politiques incitatives actuelles et qui auront donc toutes les peines du monde à devenir réalité, malgré leur intérêt.

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