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L’effet Free évalué

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L'arrivée de Free a eu un effet positif pour le consommateur. Sur l'emploi en revanche, les interprétations divergent.

2012 a été l’année du bouleversement dans la téléphonie mobile en France : l’arrivée de Free a en effet mis fin à l’oligopole formé par Orange, SFR et Bouygues et déclenché une guerre des prix dont les consommateurs semblent les grands gagnants. Les annonces successives par Bouygues et SFR de plans de départs volontaires et celle d’Orange d’un non-renouvellement des départs en retraite sont cependant venues instiller le doute : fallait-il à tout prix introduire un quatrième opérateur en France ? Trois études tirent des conclusions variées de cet événement.

Du mieux pour le consommateur

Du côté du consommateur, l’effet Free ne prête guère à débat : alors qu’il en coûtait près de 200 euros, selon l’Arcep, le gendarme des télécoms, pour un forfait illimité en 2010, le quatrième opérateur a véritablement cassé le marché avec son offre illimitée à 19,90 euros, obligeant les opérateurs en place à réagir. "La baisse des prix s’est muée en chute, de sorte que les prix pratiqués aujourd’hui en France sont les plus bas d’Europe", relèvent les députées Corinne Erherl et Laure de La Raudière dans leur rapport d’information à l’Assemblée nationale 1. Cette guerre des prix a entraîné une destruction de valeur, variable en intensité selon les trois opérateurs, qui a représenté au total un recul de 3,4 % de leurs revenus en 2012. Un recul anticipé en Bourse, Orange-France Télécom ayant perdu la moitié de sa capitalisation boursière entre 2009 et 2012.

Controverse sur l’emploi

Sur le front de l’emploi, les interprétations s’affrontent. L’étude menée par l’économiste Bruno Deffains 2 estime que la baisse prévisible du chiffre d’affaires du secteur mobile sur 2012-2013 devrait entraîner la destruction nette de 55 000 emplois dans la filière, et ce en tenant compte des créations d’emplois chez Free. Cette étude vaut à son auteur d’être poursuivi en justice par le PDG d’Iliad, la maison mère de Free.

Les deux économistes David Thesmar et Augustin Landier parviennent de leur côté à une conclusion différente 3 : partant d’une hypothèse d’une baisse de 10 % de la facture mobile des Français, ils pensent que cela créerait un choc de pouvoir d’achat sur la demande dont bénéficieraient les autres secteurs de l’économie française, entraînant la création de 16 000 emplois à court terme et de 30 000 à moyen terme. Cette étude, dont les auteurs ont l’honnêteté de reconnaître qu’elle a été financée par Free, pêche peut-être par sa vision trop mécaniste.

Prudentes sur l’effet à long terme sur l’emploi, Corinne Erherl et Laure de La Raudière insistent sur un aspect rarement évoqué : "Confrontés à des marges réduites, les opérateurs ont été amenés à réduire les coûts, ce qui s’est notamment traduit par l’exercice d’une pression sur les prix à l’égard des fournisseurs." Les grandes victimes en sont les équipementiers occidentaux (Alcatel-Lucent, Nokia-Siemens, Ericsson) et les grands gagnants leurs concurrents chinois comme ZTE ou Huawei, qui, soutenus à bout de bras par leur gouvernement, proposent des tarifs défiant toute concurrence. Et les deux députées d’inviter le régulateur à ne plus prendre en compte dans ses décisions le seul intérêt des consommateurs, mais aussi celui de l’ensemble de la filière des télécoms.

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