Environnement

Produits chimiques : pauvre Reach

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Bruxelles vient de publier son rapport sur l'application du règlement Reach sur les produits chimiques. Un bilan très mitigé.

Ouf ! Les produits chimiques baignant notre environnement sont "plus sûrs", s’est félicitée dans un communiqué la Commission européenne, lors de la publication, le 5 février, du rapport sur la mise en oeuvre de la réglementation Reach, cinq ans après son entrée en vigueur. Mais pour peu que l’on plonge dans ce rebutant rapport pour initiés, il y aurait plutôt de quoi s’inquiéter 1.

Reach est l’acronyme en anglais d’"enregistrement, évaluation et autorisation des substances chimiques", une réglementation en vigueur depuis 2007 pour mieux protéger la santé et l’environnement des Européens face à ces produits. En premier lieu, elle impose aux industriels (ou aux importateurs) de déclarer les substances qu’ils traitent et de montrer qu’ils en maîtrisent les risques. Cette procédure d’enregistrement (le "R" de Reach, pour registration), qui doit aussi permettre aux opérateurs de partager des informations pour améliorer leurs pratiques, se durcira avec le temps en abaissant en 2013 et en 2018 les seuils de tonnages traités à partir desquels cette obligation s’applique.

Pour l’heure, selon le rapport de la Commission - publié avec huit mois de retard par rapport aux dispositions légales de Reach -, 27 418 dossiers d’enregistrement avaient été présentés fin 2011, couvrant 5 346 substances. Ce qui montre que la loi s’applique, et c’est bon signe. Cependant, nombre de ces notifications ne sont pas conformes. L’Echa, l’Agence européenne des produits chimiques, en charge de l’application de Reach, avait examiné, en juin 2011, 400 dossiers concernant des substances dites intermédiaires. Celles-ci ne faisant qu’entrer dans un processus de fabrication, les exigences en matière d’informations à fournir sont moindres. Or, sur 400 dossiers "intermédiaires" étudiés (sur un total d’environ 8 000), 86 % ne respectaient pas les critères permettant de prétendre à un enregistrement simplifié.

Fausses PME

De même, pour réduire leurs frais d’enregistrement - qui peuvent être élevés -, bien des entreprises se font passer pour des PME afin de bénéficier des tarifs appliqués à ces dernières. C’était le cas de 58 % des 66 PME sondées par l’Echa en 2011. Autant d’argent en moins pour permettre à l’Echa d’assurer ses missions. Or, non seulement le retard s’accumule du côté de la vérification des dossiers d’enregistrement, mais du côté de l’évaluation des substances (le "E" de Reach), étape indispensable avant leur autorisation ou la restriction de leur usage (le "A"), les ambitions régressent. 36 substances ont été évaluées en 2012 et les Etats membres se sont engagés à en passer à la loupe 90 sur trois ans, alors qu’ils s’étaient initialement fixé un objectif de 250, dont 50 en 2012. Quant aux produits "candidats", c’est-à-dire dont la dangerosité avérée a entraîné leur inscription sur la liste des substances dont l’autorisation devra faire l’objet d’une procédure, leur nombre se limite à 138 aujourd’hui. "En réalité, il y a 1 000 à 1 500 produits de ce type sur le marché. La Commission a pour objectif d’avoir une liste exhaustive en 2020, mais à ce rythme, il faudra attendre 2060", dénonce le Bureau européen de l’environnement (EEB), le lobby des organisations écologistes à Bruxelles.

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