Recrutement : des discriminations massives
Pour trouver du travail, il vaut mieux ne pas être immigré. Mais si l'on est immigré, il vaut mieux être une femme qu'un homme.
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Trouver un emploi peut s’apparenter à un parcours du combattant pour les personnes issues de l’immigration. En témoigne le différentiel de taux d’emploi selon l’origine. Entre 2005 et 2009, ce taux était en moyenne de 86 % pour les hommes et de 74 % pour les femmes dont les deux parents sont nés en France. En revanche, pour les Français dont au moins l’un des deux parents est immigré et d’origine maghrébine, ce taux tombait à 65 % pour les hommes et 56 % pour les femmes. Une partie de cet écart s’explique par des caractéristiques propres aux personnes (différences de formation, d’expérience, de situation familiale...). Mais une autre partie renvoie à une attitude discriminatoire de la part des employeurs.
Plus grand monde ne le nie. Les discriminations à l’embauche sont un phénomène désormais bien documenté. Une récente étude du Cepremap (voir "En savoir plus") enfonce un peu plus le clou, tout en apportant un éclairage nouveau. Basée sur l’envoi de candidatures fictives à des offres d’emploi, cette enquête confirme l’inégalité de traitement dont souffrent les candidats issus de l’immigration. "Ces candidats doivent envoyer une fois et demie plus de candidatures pour obtenir le même nombre de convocations à un entretien d’embauche qu’un candidat "français de souche", en raison uniquement de l’origine que suggère la connotation de son nom", écrivent les auteurs. Un résultat concordant avec la plupart des études existantes.
Favoritisme
Mais l’enquête du Cepremap va plus loin. Elle montre en effet que tous les candidats d’origine étrangère subissent cette discrimination, quelle que soit leur origine. Il n’y a donc pas de défiance ciblée à l’encontre d’une vague particulière d’immigration. Si un traitement différencié est réservé à ces candidats, cela s’explique par ce que les auteurs appellent un "réflexe d’homéophilie ethnique", c’est-à-dire par un favoritisme des employeurs, orienté vers les membres de leur propre groupe d’appartenance. L’opposition se situe entre le groupe majoritaire, ou "autochtone", et l’ensemble des individus issus de l’immigration, d’où qu’ils viennent. C’est la distance ethnique en tant que telle qui pose problème : il y aurait "une défiance généralisée à l’égard de tout individu qui n’appartient pas au groupe ethnique dominant". Pour les auteurs, ce résultat remet en cause l’efficacité des mesures de discrimination positive, qui sont en général appliquées à des minorités ethniques clairement identifiées.
Maîtrise de la langue
Autre enseignement : la discrimination liée à l’origine est plus fortement marquée à l’encontre des hommes que des femmes. Dès lors que les compétences linguistiques sont clairement mentionnées sur le CV, toutes les femmes sont traitées sur un plan d’égalité, qu’elles soient "françaises de souche" ou issues de l’immigration. Ce qui plaide, selon les auteurs, pour l’instauration d’un système de labellisation du niveau de maîtrise de la langue. Un label dont les candidats pourraient se prévaloir et dont les employeurs pourraient vérifier la validité. Cette idée pourrait être utile pour lutter contre les discriminations, à condition que les candidats recalés à cette certification se voient offrir une formation leur permettant d’atteindre le niveau requis.
Pour en savoir plus
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La discrimination à l'
embauche sur lemarché du travail français, par Nicolas Jacquemet et Anthony Edo, Cepremap, Ed. Rue d'Ulm-Presses de l'Ecole normale supérieure, 2013.
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