Dossier

Pauvreté : combattre les inégalités par le bas

3 min

Proposition : supprimer le quotient familial pour financer un crédit d'impôt de 750 euros dès le premier enfant et revaloriser immédiatement le RSA

Le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté a progressé en France de près d’un million entre 2005 et 2010, passant de 7,7 à 8,6 millions. Il est vraisemblable que la forte montée du chômage depuis 2010 a entretenu cette progression. Que faire ? Réduire la pauvreté est sans doute plus compliqué lorsque la croissance fait défaut. Il faut alors s’attaquer aux vraies causes de la pauvreté : l’insuffisance d’emplois, la formation des personnes en difficulté, la mauvaise qualité de certains emplois, les inégalités qui progressent et les défauts du système de redistribution. Ce n’est pas tâche impossible pour autant.

Contrairement à une idée reçue, les deux tiers des personnes pauvres d’âge actif (15-64 ans) non étudiantes sont actives, c’est-à-dire en emploi (45 %) ou en recherche d’emploi (22 %). En cause, la mauvaise qualité des postes occupés (temporaires ou à temps partiel) et l’insuffisance d’emplois à leur portée. A long terme, l’arme fatale contre cette pauvreté laborieuse est évidemment une bonne formation. Mais à court terme, cela passe, d’abord, par une augmentation du nombre d’emplois aidés (financés partiellement ou totalement par la collectivité) avec formation et validation des acquis de l’expérience, ce qui permettrait de les faire financer par la taxe "formation professionnelle", aujourd’hui en partie inemployée. Cela passe, ensuite, par de fortes incitations des employeurs pour qu’ils veillent à une meilleure qualité des emplois, lesquels favorisent actuellement la paupérisation (taxation des contrats trop courts et des temps trop partiels).

Mieux redistribuer

Mais il est aussi possible d’agir par la redistribution des revenus. Parmi les personnes en situation de pauvreté, on compte notamment 2,7 millions d’enfants ou de jeunes de moins de 18 ans. Or, l’un des principaux systèmes d’aide aux familles est le quotient familial, qui permet de réduire l’impôt des familles avec enfants à charge. Cette réduction de 15 milliards d’euros bénéficie pour 45 % au dixième le plus aisé des familles, mais n’apporte rien aux familles non imposables. En lui substituant un crédit d’impôt 1 fixe de 750 euros par enfant et par an, les familles non imposables bénéficieraient d’un surplus de revenus important, versé dès le premier enfant (alors que les allocations familiales ne sont versées qu’à partir de deux enfants). Plus des deux tiers des familles (les plus modestes) seraient gagnantes. Et le solde permettrait de financer une hausse du revenu de solidarité active (RSA). En effet, lorsque le revenu minimum d’insertion (RMI) a été créé (en 1989), son niveau maximal atteignait 50 % du Smic net de l’époque. Aujourd’hui, son successeur, le RSA, n’en représente plus que 43 %. Le ramener à la moitié du Smic net impliquerait de le majorer de 67 euros par mois pour une personne seule, soit 14 % de plus qu’actuellement. Il en coûterait 1,5 milliard, au bénéfice des 2,1 millions de ménages les plus pauvres. Ils pourraient ainsi rattraper leur retard d’évolution de niveau de vie par rapport à la moyenne des ménages depuis 2005. Cette mesure est bien prévue par le gouvernement, mais sur cinq ans et seulement à partir de septembre 2013. Cela favoriserait la réduction "par le bas" les inégalités de revenus, aujourd’hui attaquées essentiellement "par le haut", au moyen de la fiscalité.

  • 1. Le crédit d’impôt consiste en une réduction d’impôt pour ceux qui en payent, et un versement pour ceux qui n’en payent pas ou pas assez.

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