Comment faire remonter le prix du carbone ?

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Le 16 avril, les députés européens ont rejeté la proposition de la commissaire à l’Environnement de geler temporairement une partie des quotas de CO2 devant être alloués aux industriels sur la période 2013-2020. Cette décision est un échec majeur de la politique climatique européenne, car ce qui est son outil maître n’a aujourd’hui plus de manche.

Signal-prix

Mis en place en 2005, le marché européen du carbone est censé traduire le niveau d’effort imposé par les Etats de l’Union à leurs 11 000 plus grosses entreprises responsables à elles seules de la moitié des émissions européennes de CO2. Parmi elles, les producteurs d’électricité (qui utilisent des centrales à gaz ou au charbon), les cimentiers, les sidérurgistes, les chimistes... Ces entreprises sont soumises à un plafond d’émissions de CO2 qui est abaissé au fil des années en fonction des objectifs européens. Si elles ont réduit leurs émissions en deçà de leur plafond autorisé, elles ont en réserve des crédits carbone qu’elles peuvent soit conserver par-devers elles pour plus tard, soit vendre sur le marché des quotas. Inversement, pour respecter leur plafond, elles ont le choix entre investir pour réduire leurs émissions ou acheter sur le marché les quotas qui leur manquent pour être en règle. Le prix de la tonne de CO2 sur le marché exprime donc la contrainte imposée aux industriels. Un prix élevé traduit une contrainte forte qui va les inciter à investir dans la réduction des émissions ; un prix faible, comme aujourd’hui, signifie que les industriels n’ont aucun intérêt à faire des efforts. La dégringolade des prix à leur niveau actuel, proche de zéro, est donc très grave.

Dégringolade

Le 17 avril dernier la tonne de CO2 se négociait en effet à 2,70 euros la tonne alors qu’elle en valait 25 à la même époque il y a cinq ans. Pour mettre un terme à cette dégringolade, la Commission proposait de suspendre l’attribution de 900 millions de tonnes de CO2 sur un total de 8,5 milliards, afin de faire remonter les cours sur ce marché. Le vote négatif des députés du PPE (droite), soutenus par la moitié des libéraux, les eurosceptiques, ainsi que par 24 socialistes, n’a pas été une surprise. Le 24 janvier dernier, un vote consultatif de la commission Energie du Parlement de Strasbourg avait déjà tranché dans ce sens. Si elle avait été acceptée, la proposition de la commissaire européenne Connie Hedegaard n’aurait d’ailleurs sans doute pas changé fondamentalement la donne. En effet, le volume de quotas excédentaires qui plombent le marché européen est plutôt de l’ordre de deux milliards de tonnes. Par ailleurs, il n’était pas question d’effacer purement et simplement ces 900 millions de tonnes mais d’en geler l’attribution, en attendant de remettre à plat le système après les élections européennes de 2014.

Prix du CO2 sur le marché au comptant, en euros par tonne

La chute des cours s’explique par une allocation structurellement trop généreuse des quotas sous la pression des lobbies industriels qui agitent le chiffon rouge des délocalisations. Les volumes inutilisés de quotas de CO2 ont bien sûr gonflé aussi en raison de la crise et du ralentissement de l’activité. En définitive, le prix actuel du carbone signifie que, collectivement, les Européens n’accordent plus aucune valeur au sauvetage de la planète face au danger climatique. Suicidaire.

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