Société

Education : faut-il copier le CAP allemand ?

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La voie de l'apprentissage, très développée en Allemagne, implique une orientation précoce et souvent une stigmatisation sociale.

Le système allemand de formation professionnelle initiale est souvent présenté comme un modèle. Aussi, le Centre d’analyse stratégique (CAS), devenu en avril le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP), y a consacré une récente note d’analyse 1. En novembre 2012, le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans était de 8 % en Allemagne, contre 22 % en France. Est-ce grâce à un système éducatif où 60 % des élèves empruntent le Duales System, une voie professionnelle fondée sur l’apprentissage en alternance en entreprise ? La note d’analyse du CAS omet de rappeler un biais important : si le chômage des jeunes est aussi élevé en France, c’est en partie parce que ce sont les personnes les moins qualifiées qui entrent avant 25 ans sur le marché du travail ; les autres poursuivent leurs études.

Des apprentis inégaux

Les auteurs de l’étude précisent que le Duales System allemand recouvre des réalités différentes selon les individus et les Länders concernés, et n’est pas toujours la panacée. Une partie des apprentis subit de mauvaises conditions de travail et de rémunération. De plus, l’orientation en Hauptschule, l’équivalent de nos filières professionnelles, est socialement discriminante et ne permet pas à tous d’acquérir un bon niveau général en lecture.

Les auteurs rappellent par ailleurs les différences entre les systèmes allemand et français : 1,5 million d’apprentis outre-Rhin, en majorité accueillis dans des entreprises de plus de 50 salariés, contre 420 000 chez nous dans le secondaire, essentiellement dans des entreprises de moins de dix salariés. Autre différence, des contrats essentiellement financés par les entreprises en Allemagne, contre un financement majoritairement public en France. Enfin, au cours des années 2000, les pouvoirs publics de notre pays ont surtout développé l’alternance dans l’enseignement supérieur : 150 000 étudiants sont concernés en France, contre 60 000 en Allemagne.

Une voie sélective

Toutefois, dans les deux pays, plus les jeunes entrent tôt en apprentissage, plus ils risquent de rompre précocement leur contrat et de ne pas décrocher leur diplôme. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’âge minimal d’entrée en apprentissage en France vient d’être reporté de 14 à 16 ans. Dans les deux pays aussi, l’alternance a tendance à devenir une voie sélective. Du coup, les jeunes qui en auraient le plus besoin peinent souvent à trouver des entreprises pour les accueillir.

Face à cela, depuis 2011, l’Allemagne a mis en place un système de pactes entre les pouvoirs publics et les entreprises pour assurer des places à ces jeunes en difficulté. Ces pactes prévoient des mesures individualisées d’accompagnement.

Evolution du nombre d’apprentis en France au 31 décembre de chaque année scolaire

En France, différentes pistes sont en débat, dont un déploiement de la taxe d’apprentissage et des financements des régions vers le secondaire, où beaucoup de jeunes défavorisés auraient besoin de suivre cette voie. Il est également envisagé d’investir dans l’accompagnement pédagogique et le tutorat, suivant l’exemple d’une expérimentation réussite menée en Ile-de-France. Enfin, il faudrait que la fonction de formateur soit mieux reconnue chez nous.

  • 1. "Formation professionnelle initiale : l’Allemagne est-elle un modèle pour la France ?", par Jean-Louis Dayan et Quentin Delpech, Centre d’analyse stratégique, Note d’analyse travail emploi n° 322, février 2013, accessible sur www.strategie.gouv.fr

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