Opinion

Le bloc-notes d’avril 2013

4 min
Philippe Frémeaux Editorialiste

Rigueur

Le débat monte au sein de la majorité, mais aussi chez les économistes. A quoi bon la rigueur, si celle-ci casse tellement la croissance que non seulement le chômage s’accroît, mais qu’on ne parvient pas non plus à réduire les déficits et à stabiliser la dette ? A en juger par les exemples grec, espagnol, italien et britannique, la question mérite d’être posée. Certains y répondent en estimant que la solution est d’imposer une rigueur plus forte encore. Ainsi, Eric Le Boucher, chroniqueur au quotidien Les Echos, nous expliquait récemment que la France échappe à la rigueur puisqu’en 2012, "le déficit n’a pu être réduit qu’à 4,8 % du PIB, au lieu des 4,5 % prévus" et que "les dépenses publiques ont continué d’augmenter de 0,7 % de PIB"1. Mais ces résultats sont précisément le produit de la rigueur : quand l’économie stagne ou régresse, les dépenses publiques, même contenues, progressent mécaniquement en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) !

Il est d’ailleurs heureux que le gouvernement n’ait pas plus coupé dans les dépenses, comme le lui conseillent ces médecins de Molière qui ont la saignée pour toute thérapeutique : cela aurait sans doute encore aggravé le mal. Reste qu’il ne suffirait pas de relancer les dépenses pour que tout aille mieux, au vu de la dette passée et de l’état du commerce extérieur. Si relance il y a, c’est au niveau européen qu’elle doit intervenir et au profit d’investissements qui engagent la transition écologique.

Allocations familiales

Rigueur oblige, le gouvernement envisage de moduler les allocations familiales en fonction du revenu. Les associations familiales - quelle représentativité ? - poussent des cris d’orfraie, dénonçant une remise en cause du principe d’équité horizontale qui fonderait la politique familiale. En clair, celle-ci aurait pour but d’assurer aux couples qui choisissent d’avoir des enfants le maintien de leur niveau de vie, quel que soit celui-ci. La réalité est bien différente : certaines prestations sous conditions de ressources sont réservées aux plus pauvres, tandis qu’à l’inverse, le bénéfice du quotient familial varie effectivement en due proportion des revenus, mais au profit des seuls ménages imposables !

La politique familiale - et fiscale - française est nataliste et machiste. Nataliste, puisque les allocations familiales ne sont perçues qu’à compter du deuxième enfant, laissant les parents d’un seul enfant à leurs difficultés. En outre, l’équité n’est pas au rendez-vous : les "allocs" s’arrêtent à la vingtième année. Autant dire qu’une famille non imposable dont les enfants sont étudiants n’a droit à aucune aide, à l’inverse du couple de cadres supérieurs qui bénéficie du quotient familial tant que ses enfants sont à charge. Cerise sur ce gâteau nataliste : le quotient familial est progressif avec un troisième enfant qui rapporte plus que les deux premiers !

Enfin, cette politique est machiste : le quotient est conjugal avant d’être familial, au bénéfice des couples sans enfant où papa travaille et maman reste à la maison. Il est grand temps d’individualiser l’impôt sur le revenu - ce qui permettrait de le fusionner avec la CSG - et d’accorder une aide forfaitaire à tous les parents dès le premier enfant, et ce jusqu’à la majorité. Au-delà, il faut soit créer une allocation d’autonomie pour les jeunes, soit rendre réellement possible le cumul emploi-études dans toutes les filières de l’enseignement supérieur.

Energie

Le développement de la production de gaz et de pétrole de schiste aux Etats-Unis tire à la baisse le prix des énergies fossiles. D’où une multiplication des centrales à gaz outre-Atlantique, le prix de cette énergie étant déconnecté des prix européens, en l’absence d’usines de liquéfaction permettant d’en exporter vers le Vieux Continent. Du coup, les producteurs de charbon américains sont conduits à baisser leur prix et à chercher des débouchés en Europe. Entraînant un renouveau des centrales au charbon... Si on ajoute à cela le récent refus du Parlement européen de diminuer le volume des quotas de CO2 disponibles sur le marché européen, dont le prix s’est effondré en raison de la récession, les mauvaises nouvelles s’accumulent sur le front de la lutte contre le changement climatique. L’Agence internationale de l’énergie vient d’ailleurs de tirer la sonnette d’alarme, en constatant que l’intensité carbone du secteur énergétique ne baisse pas, rendant de plus en plus improbable le respect des objectifs fixés pour 2020.

  • 1. Dans le numéro du vendredi 12 avril dernier.

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