Europe : un sursis pour les abeilles

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C’est La trêve pour les abeilles. Le 29 avril dernier, la Commission européenne a reçu le feu vert des Etats membres pour interdire à partir de décembre et pour deux ans l’usage de trois pesticides sérieusement soupçonnés de décimer ces vaillantes butineuses et autres insectes pollinisateurs tels que bourdons et papillons. L’enjeu est considérable : l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation rappelle que les abeilles pollinisent 71 des 100 espèces de plantes cultivées qui fournissent 90 % des aliments mondiaux.

Parmi les grandes cultures concernées on trouve le maïs, le colza, le tournesol et le coton. Les molécules visées (imidaclopride, thiaméthoxame et clothianidine) appartiennent au groupe dit des néonicotinoïdes, base de la fabrication d’insecticides très utilisés, connus sous les noms de Cruiser (à base de thiaméthoxame), commercialisé par le suisse Syngenta, Poncho (clothianidine) et Gaucho (imidaclopride), produits par l’allemand Bayer.

Cette décision historique, qui a beaucoup de chances de devenir définitive, est la conséquence de l’avis critique émis le 16 janvier dernier par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). Le gendarme européen de l’alimentation avait considéré, entre autres points, que seule l’utilisation de ces néonicotinoïdes sur des cultures n’attirant pas les abeilles était acceptable. C’est à la suite d’une étude publiée en 2012 par une équipe de recherche pluridisciplinaire française que la Commission européenne avait chargé l’Efsa de procéder à cette nouvelle évaluation. Il avait en effet été mis en évidence que les abeilles exposées à des doses très faibles et non mortelles de thiaméthoxame perdaient le sens de l’orientation et mourraient faute de pouvoir retrouver leur ruche. Une toxicité à faibles doses qu’avaient déjà démontrée d’autres études plus anciennes, comme le rapport sur l’imidaclopride, publié en France en 2003 et qui avait conduit à l’interdiction du Gaucho dans l’Hexagone.

Au forceps

Avec dix ans de retard, l’affaire a donc enfin été traitée à l’échelle européenne, plus pertinente. La décision a été prise au forceps. C’est en effet la Commission qui a tranché, faute de majorité qualifiée parmi les Etats membres sur sa proposition de moratoire. Quinze Etats ont voté pour cette interdiction, dont la France et l’Allemagne (ralliée après avoir voté contre au premier tour), quatre se sont abstenus et huit ont voté contre, dont le Royaume-uni et l’Italie.

L’intense lobbying des firmes agrochimiques aura donc échoué cette fois-ci face au forcing des défenseurs de l’environnement. Mais si en Europe les abeilles soufflent, elles ne sont pas sauves pour autant. En cas d’interdiction définitive, il faudra des années avant que les traces de ces produits dans le sol ne s’effacent. Les trois néonicotinoïdes visés ne sont par ailleurs pas les seuls pesticides tueurs. Enfin, d’autres facteurs, comme l’érosion de la biodiversité ou la pollution urbaine peuvent aussi contribuer à la mortalité des abeilles. Aux Etats-Unis, un tiers des colonies d’abeilles a péri cet hiver...

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