Opinion

Le bloc-notes de juin 2013

4 min
Philippe Frémeaux Editorialiste

Bilan

Un an après l’arrivée à l’Elysée de François Hollande, il est trop tôt pour établir un bilan. Cela n’interdit pas de constater que tous les indicateurs sont au rouge. L’économie française était en plein ralentissement au printemps 2012, elle est désormais en récession. Le chômage était au plus haut niveau, il n’a depuis pas cessé d’augmenter. Le niveau de la dette et des déficits publics suscitait l’inquiétude : la première a franchi la barre des 90 % du produit intérieur brut (PIB) et les seconds ont sensiblement baissé, mais moins qu’annoncé. A la décharge du Président, observons que l’opposition n’aurait pas fait mieux. Les coupes claires dans les dépenses publiques qu’elle propose auraient freiné encore un peu plus l’activité, échouant à rétablir les comptes tout en accroissant un peu plus les inégalités.

En vérité, face à la crise de la zone euro, François Hollande a jugé que la défense du crédit de la France ne lui laissait pas d’autres choix que la rigueur. Cet objectif a été atteint : le pays finance sa dette à moindre coût. En revanche, la relance européenne qui devait compenser l’effet récessif de la politique menée n’a pas été au rendez-vous. Et la politique monétaire accommodante menée par la Banque centrale européenne, si elle nous a évité le pire, n’a pas eu, pour l’instant, de résultats tangibles sur le plan de l’activité. La remontée du CAC 40 ressemble à s’y méprendre à une nouvelle bulle, alimentée par des liquidités qui ne trouvent pas à s’investir dans l’économie réelle, faute de perspectives.

Aller-retour

Voici quelques mois encore, suite aux mesures fiscales adoptées par le nouveau gouvernement, les cabinets d’avocats spécialisés étaient, nombre de médias nous l’assuraient, assaillis de demandes de délocalisation fiscale émanant d’entrepreneurs à succès et d’héritiers aisés. Maintenant que la transparence est en passe de devenir la norme, un mouvement inverse semble s’amorcer. Les exilés fiscaux craignent d’être victimes des nouvelles règles d’échange d’informations en passe d’être imposées aux pays jusque-là adeptes du secret bancaire. Du coup, les demandes de rapatriement se multiplient avec l’espoir de bénéficier de la mansuétude du fisc en devançant l’appel...

Et ceux-là mêmes qui, hier, nous expliquaient que toutes les fortunes étaient bien contraintes de quitter la France du fait de la taxation excessive imposée par le gouvernement, invitent désormais les pouvoirs publics à faire preuve de mansuétude à l’égard des brebis égarées qui rejoignent le troupeau. Faisons donc preuve de mansuétude. Tout en respectant le principe qui veut que la délinquance, même en col blanc, ne soit jamais récompensée. Nos exilés doivent payer ce qu’ils auraient dû payer, pénalités incluses. Ni plus ni moins.

Nuances

Admettons qu’il faille agir pour ramener nos dépenses publiques sur une trajectoire soutenable. Admettons que c’est sur la protection sociale (32 % du PIB) qu’il faille agir en priorité. Faut-il pour autant tailler dans le vif et renoncer à un modèle social qui a permis de sortir les personnes âgées de la misère et d’assurer une haute qualité de soins à tous ? La réponse est non. Paradoxalement, la crise et le chômage, loin de renforcer la solidarité, autorisent une partie du patronat et de l’opposition, relayée par nombre de commentateurs économiques, à nous expliquer que nous sommes entrés dans un autre monde, qu’il faut tout remettre à plat et renoncer à ce que chacun tenait pour acquis. Un discours qui ne répond à aucune nécessité économique objective, mais qui prend prétexte de la montée des pays émergents pour justifier une politique de revanche sociale.

Ceux-là mêmes qui réclament des "réformes courageuses" - entendez une remise en cause des sécurités acquises au fil du temps par le monde salarié - sont les premiers à exiger moins d’impôts pour les plus riches. Et si la montée des émergents avait justement pour conséquence qu’on ne peut plus s’offrir des riches aussi riches ? Et que la priorité, dans l’intérêt de tous, était d’abord de défendre une cohésion sociale fortement affaiblie par quarante ans de chômage de masse ?

Il faut optimiser les dépenses de santé et adapter le système de retraites aux évolutions économiques et démographiques. Mais plutôt que de limiter l’accès aux soins des moins aisés, agissons pour rationaliser la structure de l’offre. Et si nous devons travailler plus longtemps demain, veillons à assurer l’équilibre du système de retraites via des procédures équitables, transparentes, négociées et réversibles, sans ajustement brutal.

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