Éditorial

Vert pâle

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Y aura-t-il de l’écologie dans le budget 2014 ? En bon tacticien, François Hollande connaît tous les écueils de cette question. En faire trop peu, c’est prendre le risque de voir les ministres écologistes claquer la porte du gouvernement. Il n’a certes pas besoin d’eux pour conserver une majorité au Parlement, mais au seuil d’une année où les échéances électorales ne manqueront pas, cela ne serait pas du meilleur effet. En outre, ce serait aussi prendre le risque de ne pas arriver à boucler le financement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Mais inversement, s’engager dès 2014 dans un verdissement ambitieux de la fiscalité reviendrait à charger la facture des ménages et des entreprises, au moment où la crise les met à rude épreuve.

Alors que faire ? Il y a fort à parier que le chef de l’Etat succombera à son penchant naturel pour les motions de synthèse habiles et un peu molles. Un point de passage entre ces écueils semble d’ailleurs se dessiner dans les propositions du rapport d’étape du Comité pour la fiscalité écologique dirigé par Christian Perthuis. Premièrement, mettre en place dès 2014 une taxe carbone, mais à un taux qui croîtrait progressivement et qui ne produirait des recettes significatives qu’à partir de 2016. Deuxièmement, réduire l’écart entre la fiscalité de l’essence et celle du diesel en ajoutant un centime d’euro par an et par litre à la fiscalité du second. Difficile de faire plus indolore : à ce rythme, il faudra vingt ans pour combler les 20 centimes d’écart actuel...

Cela suffira-t-il pour convaincre les ministres Verts de rester au gouvernement ? Ce n’est pas impossible. Après tout, même si ces effets sont très limités dans l’immédiat, ce gouvernement aura enfin créé la taxe carbone sur laquelle Jospin et Sarkozy s’étaient cassé les dents. Et l’opinion, sera-t-elle convaincue qu’après avoir un peu hésité, cette majorité a finalement pris la mesure des impératifs écologiques ? C’est moins sûr. D’une part, parce que les questions fiscales ne sont qu’un aspect d’une politique environnementale qui devrait aussi se soucier d’agir positivement en investissant davantage dans les énergies renouvelables ou en transformant plus rapidement les priorités de la politique agricole. De l’autre, parce que, au fond, les idées écologiques ont une valeur essentiellement instrumentale aux yeux du chef de l’Etat : elles constituent un utile accessoire de campagne, mais visiblement pas un axe structurant de l’action publique. Pour lui comme pour une grande partie de sa majorité, l’essentiel est ailleurs. Où ? Dans le retour de la croissance. Voilà l’urgence, la mère de toutes les batailles.

Face à un chômage record et une dette qui continue de croître, personne ne conteste qu’un redémarrage de l’économie serait un grand soulagement. Mais la lutte contre le chômage devrait d’ores et déjà miser en priorité sur l’écologie. Un plan de soutien ambitieux à l’investissement dans l’efficacité énergétique des bâtiments, par exemple, créerait de nombreux emplois non délocalisables. Mais il y a décidément loin de la tactique à la stratégie. Et plus encore à la vision.

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