Bientôt un Smic dans les abattoirs allemands

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La filière porcine bretonne a dû sabrer le champagne en apprenant la nouvelle. Le 10 septembre dernier, les principaux acteurs de l’industrie de la viande en Allemagne se sont mis d’accord pour introduire un salaire minimum obligatoire de branche et encadrer les contrats de sous-traitance dans leur profession. Des négociations vont donc s’ouvrir avec le syndicat de salariés NGG, qui demande un salaire minimum horaire de 8,50 euros (le Smic français est de 9,43 euros de l’heure actuellement).

C’est un revirement important : pour l’instant, les abattoirs allemands font travailler de nombreux salariés étrangers en abusant des possibilités offertes par la directive européenne de 1996 sur les travailleurs détachés . Originaires des pays de l’Est (Hongrie, Pologne, Roumanie, Bulgarie), ces salariés gagnent 3 ou 4 euros de l’heure et travaillent dans des conditions indignes (durées de travail très longues, logements suroccupés et insalubres, etc.). Un phénomène qui est loin d’être marginal, puisque 75 % des effectifs des abattoirs allemands seraient concernés, selon le syndicat NGG.

Dumping social

21 des 28 pays de l’Union européenne ont un salaire minimum. Mais ce n’est pas le cas pour l’instant de l’Allemagne, de l’Autriche ou encore des pays scandinaves. Dans ces pays, réputés pourtant plutôt sociaux, on considère en effet que la négociation des salaires doit relever exclusivement des syndicats et du patronat et non de l’Etat. Mais en Allemagne, une des conséquences des réformes introduites par Gerhard Schröder sur le marché du travail a été un affaiblissement sans précédent de la négociation collective : les conventions négociées entre les syndicats et le patronat (et qui prévoient bien sûr des salaires minimums) couvrent désormais moins de 60 % des salariés du secteur privé. Beaucoup de salariés des services aux personnes (coiffure, hôtellerie, restauration... ) mais aussi ceux de l’industrie de la viande ne sont pas couverts par ces conventions.

Cette course au moins-disant social a déstabilisé l’ensemble de cette industrie dans le reste de l’Europe. En Bretagne, notamment, où l’entreprise Gad, en redressement judiciaire, menace de fermer un abattoir dans le Finistère. Mais aussi en Belgique, où ce secteur est en grande difficulté. En juin dernier, François Hollande avait menacé de porter la question devant le Conseil européen. Trois mois plus tôt, le gouvernement belge était même allé jusqu’à porter plainte contre l’Allemagne devant la Commission européenne. Les industriels allemands se sont finalement résolus à lâcher du lest devant ces pressions.

Élections

Il existe déjà un peu plus d’une dizaine de salaires minimums de branche en Allemagne, qui vont de 7,50 euros de l’heure dans le secteur de la sécurité à 13,70 euros pour les ouvriers qualifiés de la construction. Le secteur de la viande devrait donc venir allonger cette liste. Parallèlement, le débat sur la création d’un salaire minimum à l’échelle de tout le pays progresse. Ce thème a d’ailleurs été un enjeu important de la récente campagne électorale. Les Verts et le SPD sont favorables à un Smic de 8,50 euros de l’heure, tandis que la CDU préfère que son montant soit négocié branche par branche.

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