Le compte formation : un nouveau miroir aux alouettes ?
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L’ouverture, le 24 septembre dernier, d’une négociation nationale interprofessionnelle sur la formation professionnelle devrait donner lieu à l’adoption d’une nouvelle loi début 2014. Elle prévoira sans doute la création d’un compte personnel de formation (CPF), conformément aux voeux exprimés par les partenaires sociaux dans l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 sur la sécurisation de l’emploi. Ce compte serait à la fois universel, individuel et transférable tout au long de la vie professionnelle, que l’on soit chômeur ou en activité.
L’affirmation de ce droit à la formation ne constitue pas une nouveauté. L’instauration d’un droit individuel à la formation (DIF) en 2003, puis d’un DIF portable en 2009, avait ouvert la voie à ce CPF, qui devrait s’y substituer. Il faut donc espérer que les négociateurs et les pouvoirs publics sauront tirer toutes les leçons de ce qu’il faut bien appeler un fiasco. D’après le Céreq, seuls 5,2 % des salariés, souvent les plus qualifiés, ont utilisé leur DIF en 2011. Car il ne suffit pas d’accorder aux salariés un droit à la formation pour qu’ils se l’accordent à eux-mêmes. Sans accompagnement, par les équipes syndicales notamment, la formation dans l’entreprise ira aux salariés déjà formés, comme c’est déjà le cas. Même constat d’échec pour le DIF portable destiné aux salariés devenus chômeurs. Aucun bilan n’est disponible, mais la portabilité de ce droit cherche encore un porteur tant Pôle emploi et les Opca, c’est-à-dire les structures qui collectent les contributions financières des entreprises au financement de la formation professionnelle, ont été incapables de s’entendre sur la démarche à suivre pour le rendre effectif. En attendant, les chômeurs se débrouillent comme ils peuvent.
Dernier écueil : le financement. Pour assurer la portabilité et le caractère universel de ce droit, il faudra s’accorder sur un mode de financement unique et ne pas créer deux circuits distincts d’abondement du compte selon que l’on est salarié ou chômeur. Car nombre de formations entamées sous le statut de salarié doivent être abandonnées lorsque celui-ci devient chômeur en raison, soit de changements dans les modes et le niveau de rémunération, soit d’une impossibilité juridique pour le service public de l’emploi de prendre le relais.
Or, le schéma à l’étude repose toujours sur deux stratégies de financement : l’Etat et les régions pour les demandeurs d’emploi, les partenaires sociaux pour les salariés. Cette dichotomie risque de provoquer, comme hier, des ruptures de formation sans parvenir à sécuriser des trajectoires professionnelles de plus en plus discontinues. Faire du CPF autre chose qu’un nouveau miroir aux alouettes nécessitera de tirer toutes les leçons des erreurs du passé.
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