Entretien

"La transition énergétique peut être une opportunité"

3 min
Alain Grandjean Economiste, membre du Haut Conseil pour le climat, fondateur du cabinet Carbone 4 et président de la Fondation pour la nature et l’homme (FNH)

La société française est-elle prête pour la transition énergétique ?

Elle est plus avancée que semble le penser le gouvernement. Les Français savent que les prix de l’énergie vont augmenter et qu’il nous faut réduire les consommations. Ils considèrent que ce n’est pas un drame, mais pensent aussi que tout l’effort ne doit pas peser sur leurs épaules : ils attendent beaucoup des entreprises pour leur proposer des solutions et de l’Etat pour organiser cette transition et se montrer lui-même exemplaire. Les Français sont évidemment préoccupés en premier lieu par le pouvoir d’achat et l’emploi, mais ils perçoivent aussi que la transition énergétique peut être une opportunité sur ce plan. C’est ce qu’ont montré les débats citoyens organisés dans le cadre du débat sur la transition énergétique.

Quels sont les points principaux à retenir de ce débat ?

La rénovation thermique des bâtiments existants constitue l’enjeu principal. Il faut mettre en place une véritable logique de filière, en professionnalisant les acteurs. Il faut aussi apporter des financements, à la fois simples d’accès et attractifs en termes de taux : aujourd’hui, les prêts pour la rénovation thermique sont assimilés à des prêts à la consommation et donc beaucoup plus coûteux que les prêts immobiliers. Il faut, enfin, aider en priorité les 4 millions de ménages en situation de précarité énergétique et régler ainsi d’un coup un problème social et un problème écologique. Au-delà se pose surtout la question d’obligations de rénovation à la revente ou à la location des logements. On peut imaginer l’introduction de bonus-malus comme pour les automobiles.

Concernant la mobilité, la conception de voitures à deux litres au 100 est une priorité, mais il faut aussi remplir les automobiles : on ne peut pas continuer à déplacer ainsi plus d’une tonne avec seulement 1,3 personne à bord en moyenne. Du côté des transports collectifs, il faut surtout faire fonctionner correctement l’infrastructure ferroviaire existante et développer les liaisons par cars dans les zones rurales et périurbaines. Enfin, sur le plan du mix énergétique, l’essentiel est de se doter d’une trajectoire ambitieuse de décarbonisation de notre énergie pour permettre aux acteurs d’investir dans un cadre stable et prévisible.

Quel rôle peut jouer la taxe carbone dans cette transition ?

Dans une économie de marché, on peut jouer sur la réglementation, mais on a aussi besoin de signaux de prix. Le comité sur la fiscalité écologique présidé par Christian de Perthuis propose d’élargir l’assiette des taxes existantes et de moduler leur niveau en fonction des émissions polluantes des différentes énergies. Cela permettra, j’espère, de surmonter les difficultés rencontrées jusque-là. L’essentiel en la matière est de fixer une trajectoire de hausse du prix du CO2. Celle prévue par le comité est plus basse que celle proposée en 2010 par Michel Rocard, mais elle a au moins le mérite d’exister.

Le gaz de schiste remet-il en cause la transition ?

Non. Nous avons préconisé de réaliser une étude d’impacts socio-économiques. On se rendra compte à son issue que le potentiel réellement exploitable est beaucoup plus limité qu’on ne le dit, compte tenu des problèmes que cela poserait, notamment en surface.

Quelle est l’articulation de la transition énergétique française avec le cadre européen ?

Elle est essentielle, bien sûr. L’Europe s’est fixé des objectifs pour 2020, mais il faut maintenant le faire à l’horizon 2030. Et notamment rétablir la crédibilité du marché des quotas de CO2 qui, depuis la crise de 2009, a quasiment cessé d’inciter les industriels à améliorer l’efficacité de leurs installations, compte tenu de l’excès des quotas disponibles et du trop bas prix du CO2.

Propos recueillis par Guillaume Duval

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