Dossier

Des bonnes idées pour avancer

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Sur le terrain, nombre d'acteurs mettent déjà en oeuvre des solutions d'avenir. Tant en matière d'efficacité énergétique que d'énergies renouvelables.

Zoom Habitat : l’Île-de-France développe le tiers financement

Les bâtiments absorbent 43 % de la consommation d’énergie finale en France. La transition énergétique passe donc en priorité par leur rénovation, tout le monde en convient. Mais investir aujourd’hui pour réduire sa facture d’énergie demain est une décision toujours difficile à prendre, car la rentabilisation de cet investissement reste longue. C’est pourquoi la région Ile-de-France, en partenariat avec la Caisse des dépôts, a mis au point depuis 2010 un système de "tiers financement". Il consiste à avancer une partie des sommes nécessaires aux travaux et à se rembourser ensuite sur les économies d’énergie réalisées sur quinze à vingt-cinq ans. C’est ainsi qu’est née Energies Posit’IF en janvier 2013, une société d’économie mixte (SEM) dont le capital de 5,3 millions d’euros a été apporté par la Caisse des dépôts, la Caisse d’épargne, la région, la Ville de Paris et d’autres collectivités franciliennes.

"Avec ses quatre salariés, Energies Posit’IF est encore une petite start-up publique, explique le président de son directoire Jean-Claude Gaillot. A nous de prouver aux banques que nous sommes crédibles, pour qu’elles délient davantage les cordons de la bourse." Grâce à un partenariat avec l’Association des responsables de copropriétés, la SEM a déjà approché vingt copropriétés, dont quatre ont ou sont sur le point de signer des contrats de conception de travaux. "Notre plan de charge est de 1 000 logements par an. Ce qui est un point de départ, car il y a un million de logements énergivores en Ile-de-France", estime Jean-Claude Gaillot.

La SEM a l’avantage de simplifier la vie des copropriétaires en prenant en charge beaucoup d’opérations, depuis la définition des travaux à accomplir jusqu’au plan de financement, élaboré selon les besoins spécifiques de chaque ménage, en passant par le choix des entrepreneurs et le suivi du chantier. Un service global appréciable pour se repérer dans le dédale des professionnels et des aides à la rénovation des logements. "Notre tiers financement représente environ 30 % à 40 % de l’investissement, explique Jean-Claude Gaillot, le reste étant à la charge des copropriétaires, qui bénéficient en outre d’aides publiques."

Ce mécanisme incite donc les propriétaires à réaliser des rénovations importantes, en phase avec l’objectif global de la France de diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050. Aujourd’hui, ils ont en effet tendance à se contenter des travaux d’économies d’énergie les plus simples (changer les fenêtres ou le type de chauffage) et les plus rentables à court terme. Au risque de "tuer le gisement", comme disent les professionnels, c’est-à-dire d’empêcher d’engager par la suite des travaux plus ambitieux, car ils ne seront plus rentables. De plus, il est toujours plus coûteux de réaliser les travaux en plusieurs fois.

Les ministères de l’Ecologie et du Logement envisagent un système de tiers financement à l’échelle nationale. L’idée est inspirée du Green Deal expérimenté par les Britanniques depuis début 2013, dont le premier bilan est mitigé, avec 245 chantiers seulement en prévision. Il faut dire que le préfinancement à l’anglaise prévoit des taux d’intérêt de... 7 %.

Zoom Transports : Lille prend le volant de la voiture alternative

En France comme ailleurs, les véhicules sont la première source d’émission de gaz à effet de serre. Pour échapper au tout-voiture, les collectivités locales investissent dans les infrastructures de transports en commun. Mais les métros, les trains et autres trams ne peuvent quadriller toutes les zones ni s’adapter aux besoins de chacun. C’est pourquoi la communauté urbaine Lille Métropole a noué un partenariat avec des structures de l’économie sociale et solidaire pour développer une offre de "mobilité alternative, complémentaire des transports publics".

Des associations proposent des solutions souples, collaboratives et peu chères, comme un atelier de réparation de vélos ou un "coaching mobilité" pour les personnes en insertion, qui consiste à identifier et à lever les blocages qui freinent le retour à l’emploi (passer le permis de conduire, emprunter un véhicule...). L’association Chauffeur&Co propose ainsi des chauffeurs pour conduire le véhicule de personnes handicapées ou âgées. La coopérative Lilas autopartage permet de louer une voiture en autopartage à prix réduit et l’association Vespa développe des transports à la demande pour des personnes en difficulté.

Une plaquette résumant ces différentes offres a été largement diffusée, car le carburant des transports alternatifs, ce n’est pas l’essence ou le diesel, mais l’information des usagers. A l’échelle nationale, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) vient de lancer un programme baptisé Audace (Accélérer et unir les offres de déplacements en autopartage, covoiturage et véhicules électriques), destiné à encourager ce type d’alternatives à "l’autosolisme".

Zoom Habitat social : rénovation haut de gamme pour les HLM bretonnes

Dans la loi Grenelle I votée en 2009, l’Etat s’est fixé comme objectif la rénovation de 800 000 logements sociaux d’ici à 2020. L’objectif est encore loin d’être atteint mais, en 2011 et 2012, 117 000 logements ont déjà fait l’objet d’un projet de rénovation. Par exemple en Ille-et-Vilaine, dans la résidence "La Petite Martinière" de Saint-Brice-en-Coglès, Espace HLM, filiale du groupe immobilier Espacil, a mené en 2010 une opération de rénovation ambitieuse de ses douze logements construits en 1974. Pour 177 000 euros, avec l’aide de l’Ademe, de l’Union européenne et du conseil général, l’épaisseur des couches d’isolation des combles a été triplée, des doubles vitrages ont été installés et le chauffage électrique a été remplacé par une chaudière à granulés bois. Résultat : des consommations divisées par quatre, passant de 269 kWep/m2 à 68, et un gain moyen de 112 euros par logement et par an.

La gouvernance du secteur HLM lui permet de décider plus facilement que des bailleurs privés de lancer des opérations lourdes de rénovation, car chaque organisme gère des milliers de logements et possède des compétences qui manquent souvent aux propriétaires individuels. Le mouvement HLM a su tirer profit en particulier des éco-prêts logement social de la Caisse des dépôts d’une durée de quinze à vingt-cinq ans et, à hauteur de 230 millions d’euros en quatre ans, de fonds européens. Dans le budget européen 2014-2020, 20 % de ces fonds seront affectés à l’efficacité énergétique.

Zoom Industrie : le Nord-Pas-de-Calais se convertit à l’écologie industrielle

Dunkerque compte parmi les bassins d’emploi durement touchés par la désindustrialisation. Ce territoire est néanmoins devenu aussi l’un des laboratoires de l’écologie industrielle en France : l’art de récupérer et de recycler les flux de matière et d’énergie sur les sites de production. La centrale DK6, la première en son genre dans l’Hexagone, est ainsi née en 2005 d’une association entre Arcelor Mittal et GDF Suez. Elle récupère les gaz des hauts-fourneaux du sidérurgiste et les transforme en électricité et en chaleur. Quand elle tourne à plein rendement, DK6 produit plus d’électricité que n’en a besoin l’usine Arcelor, ce qui permet de commercialiser un excédent. La centrale alimente aussi le réseau de chaleur de la ville.

A côté de cette initiative phare, 200 entreprises de la région se sont regroupées au sein de l’association Ecopal, afin de mutualiser et de développer les bonnes pratiques, avec le soutien des collectivités territoriales et de la Chambre de commerce et d’industrie. Au-delà de Dunkerque, c’est tout le Nord-Pas-de-Calais qui veut se mettre à l’heure de l’écologie industrielle. Le conseil régional et la chambre de commerce de la région ont fait appel au prospectiviste américain Jeremy Rifkin pour élaborer un plan directeur dont les maîtres mots sont efficacité énergétique, économie circulaire et économie de la fonctionnalité. Il doit être présenté ce 25 octobre à Lille.

Zoom Méthanisation : Midi-Pyrénées pousse les gaz

La France n’a pas de pétrole... mais elle a des déchets. Et cela représente potentiellement beaucoup d’énergie. En faisant se décomposer dans des cuves, à l’abri de l’air, les matières organiques rejetées par les citadins (ordures ménagères, eaux grasses), par les agriculteurs (lisiers, résidus de récolte) ou par les industriels de l’agroalimentaire, on obtient du méthane (du gaz de ville), avec lequel on peut se chauffer ou produire de l’électricité. En prime, le résidu solide de cette décomposition fournit un excellent engrais.

Mais la France ne tire pour l’instant que 400 000 tonnes équivalent pétrole (tep) de cette ressource, tandis que l’Allemagne, où sont implantées déjà plus de 7 000 unités de méthanisation, dépasse les 5 millions de tep (en 2011, selon le dernier baromètre européen des renouvelables). Le potentiel sur le territoire français, très agricole, est pourtant énorme. La région Midi-Pyrénées en a pris la mesure et a lancé un ambitieux programme de développement de cette filière dans le cadre de son plan énergie 2011-2020. Le cabinet d’études Solagro a évalué le "gisement" : il représente un potentiel de 2 200 GWh par an, soit l’équivalent du quart de la consommation annuelle de gaz des secteurs résidentiel et tertiaire de la région. Et encore s’agit-il d’une estimation prudente : les résidus de cultures (pailles...) ont été écartés en raison d’une concurrence possible des débouchés avec d’autres usages et il a été considéré que 50 % seulement des matières récupérables étaient effectivement utilisées.

Pour l’heure, la méthanisation reste pourtant embryonnaire dans la région : une vingtaine d’unités sont en service, dont la production équivaut aux besoins d’un canton comme celui de Caussade, dans le Tarn-et-Garonne (15 000 habitants). Mais, déjà, une soixantaine de projets sont à l’étude et la région vise une centaine d’unités de production en 2020, ce qui représenterait 30 % à 40 % du gisement mobilisable.

Aujourd’hui, l’écart entre les coûts de production du biométhane et les prix sur le marché du gaz reste de l’ordre d’un à cinq et les tarifs d’achat de l’énergie issue de la méthanisation sont insuffisants pour faire décoller la filière. D’où la nécessité d’aides publiques à l’investissement. Pour atteindre son objectif, la région Midi-Pyrénées a décidé d’apporter un financement d’une vingtaine de millions d’euros sur dix ans, sous forme de conseils, de prêts et de participations. Vu l’intérêt que représente cette filière en termes d’énergie, de protection de l’environnement et de développement territorial, le jeu en vaut largement la chandelle. Un message que la Région, qui accueille les premières Assises nationales de la méthanisation à Toulouse les 7 et 8 novembre prochain, est décidée à faire passer.

Zoom Enercoop et énergies partagées : des coopératives pour l’énergie verte

L’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité pour les particuliers en 2007 a permis à une offre d’électricité 100 % verte d’émerger. Depuis cette date, la société coopérative d’intérêt collectif (Scic) Enercoop, née de l’initiative d’associations écologistes comme Greenpeace ou Les Amis de la Terre, propose aux consommateurs de quitter EDF (ou ses concurrents) pour se fournir auprès d’elle. En échange d’un tarif environ 20 % plus élevé qu’EDF, mais stable depuis l’origine, cette coopérative s’engage à s’approvisionner exclusivement auprès d’une centaine de producteurs d’énergies renouvelables (éolien, hydraulique, photovoltaïque et biomasse). 16 000 consommateurs ont franchi le pas et la coopérative, possédée par quelque 10 000 sociétaires, a atteint le point d’équilibre en 2010. Appartenant au monde de l’économie sociale et solidaire, Enercoop réinvestit ses bénéfices dans la production de renouvelables.

Il est aussi possible pour les citoyens de s’impliquer dans la production d’énergies renouvelables. Depuis l’an dernier, l’association Energies partagées propose aux épargnants d’investir dans des projets locaux, par exemple 400 mètres carrés de toitures solaires près de Caen. Portée par Enercoop, la NEF, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et une trentaine de collectivités locales, elle a collecté 4,5 millions d’euros, cinq projets ont déjà été financés et vingt-cinq autres sont ouverts à la souscription. Les souscripteurs se voient promettre une rentabilité de 4 % par an, s’ils conservent leurs actions pendant dix ans.

Cette appropriation par les citoyens est une des conditions de l’acceptabilité du développement des renouvelables, notamment des éoliennes, qui suscitent parfois l’hostilité des riverains. En Allemagne, la moitié de la production des renouvelables - en plein boom - est assurée par 800 coopératives locales, regroupant 130 000 membres. "Nous sommes encore très en retard sur eux, reconnaît Marc Mossalgue, coordinateur d’Energies partagées, mais on sent un frémissement du côté des citoyens et des collectivités."

Zoom Eolien marin : l’industrie prend le large

La France des renouvelables souffre de faibles capacités industrielles. Elle importe massivement savoir-faire et équipements. Pour redresser la barre, l’Etat a lancé en 2010 un Programme d’investissement d’avenir (PIA), mis en oeuvre par l’Ademe. Les quelque 115 projets démonstrateurs sélectionnés, visant tant la maîtrise de la consommation que la production d’énergie renouvelable, sont portés par 400 entreprises. Ils représentent un investissement total de plus de 3 milliards d’euros, financés par le PIA à hauteur de 940 millions.

Pour produire en France des éoliennes marines de grande puissance, Alstom a ainsi débuté cette année la construction de deux usines de turbines à Saint-Nazaire et la production en série est prévue pour 2014. En 2015, Cherbourg en accueillera deux autres pour la fabrication des pales et des mâts. Objectif : livrer à EDF 240 éoliennes marines de 6 MW de puissance à partir de 2016.

Tandis que la France en est à ses premières attributions de parcs marins, le Royaume-Uni, leader mondial de l’éolien offshore, a déjà atteint une puissance installée de 3,6 GW. Il prévoit d’atteindre 20 GW d’ici à 2020 (contre 6 pour la France). Cela représentera entre 18 % et 20 % de la demande électrique du pays, selon l’association éolienne britannique.

Zoom Biomasse : Bourges chauffe ses HLM au bois

Lorsque Bourges s’est décidée en 2007 à abandonner le charbon pour chauffer les HLM de ses quartiers Nord, elle n’a opté ni pour le gaz ni pour l’électricité, mais misé sur la biomasse. Avec une aide financière de 3,4 millions d’euros fournie par l’Ademe, l’Anru (Agence nationale pour la rénovation urbaine) et le conseil régional, elle a rénové son réseau de chaleur et mis en service en 2009 deux chaudières à bois consommant chaque année l’équivalent de 5 500 tonnes de pétrole. Evitant ainsi l’émission de 35 000 tonnes de CO2.

Les 27 000 tonnes de bois récoltées localement chaque année couvrent les besoins de chauffage de 4 000 logements sociaux, ainsi que de plusieurs bâtiments tertiaires. Grâce à cette source d’énergie bon marché et à un étalement des amortissements sur un quart de siècle, le réseau de chaleur de Bourges est l’un de ceux où la chaleur produite est la moins chère en France : 0,52 centime du kilowattheure. Le bois-énergie est aujourd’hui la principale énergie renouvelable en France : 10 millions de tonnes équivalent pétrole (tep) sur 22,4 en 2012. Ce gisement est sous-exploité. L’Ademe estime que la forêt française pourrait fournir chaque année 4,3 millions de tep de plus sans porter atteinte au renouvellement de la ressource.

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