Economie

Capitaux : pourquoi l’Allemagne tient à l’euro

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C'est principalement en Europe et dans la zone euro que l'Allemagne recycle ses gigantesques excédents commerciaux.

L’Allemagne dégage depuis de longues années déjà des excédents extérieurs très importants. Par ce biais, son économie dispose donc de liquidités considérables qui ne sont ni consommées ni investies en Allemagne même, mais placées à l’extérieur du pays : entre janvier 2000 et janvier 2013, l’ensemble de ces placements à l’étranger (en net, une fois les remboursements et les reventes pris en compte) ont totalisé, selon la Bundesbank1, 4 180 milliards d’euros, soit 155 % du produit intérieur brut (PIB) allemand.

Cet argent a été placé soit sous forme d’investissements directs à l’étranger (des investissements de long terme dans des entreprises), soit sous forme d’investissements de portefeuille (des achats de titres financiers pouvant être revendus rapidement, notamment des titres de dettes publiques). Sur ces 4 180 milliards d’euros, 3 475 milliards, soit 83 %, ont été placés en Europe et 2 500 milliards, soit 60 %, au sein de la zone euro. Ce qui signifie que depuis le début des années 2000, les épargnants et les entreprises allemands ont placé nettement plus de "billes" en France (434 milliards d’euros) qu’aux Etats-Unis (364 milliards d’euros) et même davantage en Grèce (73 milliards d’euros) qu’en Chine (52 milliards).

En Allemagne comme ailleurs, le jeu trouble des paradis fiscaux opacifie cependant les choses : les 385 milliards placés par des acteurs économiques allemands au Luxembourg ou les 185 milliards envoyés en Irlande n’y sont pour l’essentiel pas restés.

Répartition des placements financiers nets allemands à l’étranger entre janvier 2000 et janvier 2013, en %

Intérêts vitaux

On comprend mieux à la lumière de ces chiffres pourquoi l’Allemagne a un intérêt financier majeur à la survie de l’euro. L’éclatement de la zone, le retour aux monnaies nationales et les dévaluations qui s’en suivraient immanquablement dévaloriseraient massivement ce patrimoine. Même si le commerce extérieur allemand est de plus en plus tourné vers le grand large (74 % de son excédent commercial provient désormais des échanges réalisés avec des pays extérieurs à l’Union européenne, contre 35 % en 2007 ), ses excédents sont toujours largement réinvestis en Europe2. Cela n’a rien d’étonnant pour un pays vieillissant qui recherche avant tout la sécurité de ses placements : il souhaite conserver son épargne à proximité, dans des pays voisins et bien connus et qui partagent la même monnaie. La construction européenne garantit en outre à l’Allemagne la capacité de suivre et d’influencer les orientations économiques de ses voisins.

Une balle dans le pied

Il n’en reste pas moins que lorsque le gouvernement allemand prône une politique économique qui maintient le reste de la zone euro en récession, empêchant ainsi les acteurs économiques privés comme publics de ces pays de rembourser leurs dettes, il se tire une balle dans le pied. Les épargnants allemands risquent en effet de ne pas revoir l’intégralité des 2 500 milliards d’euros qu’ils y ont placés...

  • 1. Voir sur www.bundesbank.de
  • 2. Voir "Allemagne : l’Europe comme base arrière", Alternatives Economiques n° 326, disponible dans nos archives en ligne.

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