Idées

Les chausse-trappes de l’activité réduite

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Le nombre de salariés en activité réduite touchant l'allocation chômage augmente. Pourquoi ?

Les chômeurs en activité réduite, les fameuses catégories B (avoir travaillé moins de 78 heures dans le mois) et C (plus de 78 heures), sont de plus en plus nombreux. Ils sont aujourd’hui 1,8 million à être inscrits à Pôle emploi. Le recours à ce dispositif qui permet de cumuler allocation chômage et salaire s’est accéléré depuis 2008, avec une croissance de 34 % en trois ans, selon l’Unédic1. Créé en 1986, il est censé encourager la reprise d’emploi dans le cadre d’une politique d’activation des dépenses passives. Mais force est de reconnaître qu’il n’a pas eu d’effet significatif sur le retour à l’emploi durable et que le nombre de contrats courts ne cesse de progresser2.

Les chômeurs profiteraient-ils de l’allocation chômage pour ne pas avoir à trop travailler ? Quant aux employeurs, l’activité réduite leur permettrait-elle de trouver une main-d’oeuvre peu regardante et de faire supporter par l’assurance chômage l’essor de la flexibilité ? Une enquête qualitative de l’Ires et de la CFDT, menée par des chercheuses du Lest3, portant sur l’aide à domicile, l’hôtellerie-restauration et le commerce, révèle une réalité beaucoup plus nuancée. L’étude s’intéresse aussi à la situation des salariés en intérim, surreprésentés dans les derniers postes occupés par les personnes en activité réduite avant qu’ils soient demandeurs d’emploi.

Les règles méconnues

Du côté des chômeurs, les entretiens de terrain révèlent que la complexité du calcul de leur indemnité est telle qu’ils ne peuvent pas fonder leurs décisions là-dessus ! Même s’ils concèdent accepter des emplois de mauvaise qualité et faiblement rémunérés car ils peuvent compter sur le complément de l’assurance chômage. Et rester sur le marché de l’emploi. "Plus je travaille, mieux c’est pour moi", explique Angélique, intérimaire depuis vingt ans, qui tient beaucoup, dit-elle à "ne pas dépendre des autres".

Les employeurs, pour leur part, ne sont pas meilleurs connaisseurs des règles de cumul de l’activité réduite, qu’ils confondent souvent avec le RSA. Ils ne chercheraient donc pas à abuser du système. En revanche, les entretiens du Lest montrent qu’ils ont une mauvaise perception de ces chômeurs inscrits à Pôle emploi. Cumuler les contrats courts ne serait pas un gage de sérieux et de motivation. Les employeurs imputent leurs difficultés de recrutement non pas aux conditions de travail qu’ils proposent mais aux candidats eux-mêmes.

L’enquête du Lest rappelle que ces chômeurs atypiques sont peu accompagnés par le service public de l’emploi. Et que les représentants syndicaux connaissent mal l’activité réduite. L’étude invite à se pencher sur la responsabilité partagée des acteurs, sur la nécessité de conforter l’emploi de qualité. Et à ne plus voir dans l’activité réduite une mesure de retour à l’emploi à tout prix.

  • 1. Voir "La croissance continue de l’activité réduite recouvre des réalités et des publics différents", Unédic, Eclairages n° 6, octobre 2013.
  • 2. voir "Améliorer l’assurance chômage pour limiter l’instabilité de l’emploi", par Pierre Cahuc et Corinne Prost, Les notes du Conseil d’analyse économique n° 24, septembre 2015.
  • 3. Voir "Employeurs et demandeurs d’emploi en activité : quelles relations, quels besoins et quelles pratiques ?", Vanessa di Paola et alii, Laboratoire d’économie et de sociologie du travail (Lest), université Aix-Marseille, CNRS, Aix-en-Provence, mai 2016.

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