Les acteurs de l’histoire économique

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L’agriculteur et l’éleveur

Ils sont apparus il y a environ 10 000 ans (Néolithique), dans les premiers villages sédentaires du Proche-Orient (plusieurs siècles, voire millénaires, plus tard en Asie et en Amérique) et à peu près au même moment en Nouvelle-Guinée.Avant d’essaimer sur le pourtour méditerranéen entre 8 000 et 5 000 avant notre ère. Ils se répandent ensuite en Europe jusqu’à l’Atlantique et en Asie jusqu’à la Sibérie orientale et l’Inde, et, enfin, en Afrique tropicale (entre 5 000 et 3 000 avant J.-C.). De la poterie au tracteur en passant par la technique du brûlis, la roue, la charrue..., ils sont à l’origine de nombreuses inventions et de révolutions.

L’esclave

On le repère pour la première fois au IIIe millénaire avant notre ère, dans le croissant fertile moyen-oriental, soit à peu près au moment où l’écriture et les premiers Etats apparaissent. Pour l’historien Christian Delacampagne, il n’a pas toujours existé, ni partout, encore moins sous les mêmes traits. Quoi de commun en effet entre l’esclave noir des plantations de coton de Louisiane et l’esclave serviteur de la famille florentine ou l’enfant contraint à la prostitution ? Pour avoir été condamné à partir du XVIIIe siècle et aboli officiellement partout depuis, l’esclavage n’a pas totalement disparu du paysage économique contemporain.

A lire : Histoire de l’esclavage. De l’Antiquité à nos jours, par Christian Delacampagne, éd. Le Livre de Poche, 2002.

Le marchand

Il a été longtemps le principal protagoniste de l’histoire économique. Dès l’Antiquité, il participe à un commerce au long cours, en s’associant à un banquier ou à un bailleur de fonds et, s’il n’est pas armateur, au propriétaire d’un bateau. L’essor des transactions avec des acheteurs éloignés l’amène à adopter, dès le XIIIe siècle, la lettre de change qui facilite les échanges commerciaux en lui évitant les risques liés au transport des pièces d’or ou d’argent.

Le spéculateur

Dès l’Antiquité, il s’est trouvé des hommes pour anticiper les mouvements de hausse ou de baisse susceptibles d’affecter le prix d’une matière première ou d’une marchandise ou, plus tard, d’un titre. Quitte à provoquer artificiellement ce mouvement en achetant ou en vendant des quantités suffisamment importantes de l’objet de la spéculation. Dès le XVIe siècle, des voix comme celles de Jean Bodin (1530-1596) s’élèvent pour dénoncer les financiers et les producteurs qui stockent des denrées alimentaires pour provoquer des hausses de prix. De la spéculation autour des pièces d’or à la start-up mania en passant par la tulipomania (spéculation autour de bulbes de tulipes en Hollande, au XVIIe siècle) ou railways mania (autour des titres des compagnies de chemin de fer, au XIXe siècle), l’histoire économique est jalonnée de mouvements spéculatifs ayant enrichi les uns et appauvri les autres.

L’homme d’affaires

Dès l’Antiquité, des hommes font preuve de flair. C’est cependant au Moyen Age que l’historien Jean Favier situe la naissance de l’homme d’affaires tel que nous le connaissons aujourd’hui, avec son goût du risque, sa capacité d’anticipation, sa tendance aussi à s’entourer de conseillers.

A lire : De l’Or et des épices : naissance de l’homme d’affaires au Moyen Age, par Jean Favier, éd. Fayard, 1987.

Le banquier

On décèle des traces de prêts dès le IIIe millénaire avant notre ère dans l’Empire mésopotamien (ils sont accordés aux caravanes qui commercent entre l’Afrique et la Perse). Dès le début du XVIe siècle, Jacob Fugger, qui finança l’élection de Charles Quint, crée un véritable réseau bancaire à travers l’Europe. Un obstacle empêchera longtemps l’essor de l’activité bancaire dans le monde chrétien et musulman : l’interdit religieux qui pesait sur l’usure. Il faut attendre le XIXe siècle pour que le banquier moderne voit le jour.

A lire : Histoire de la banque, par Jean Rivoire, coll. Que sais-je ?, éd. PUF, 1984.

Le rentier

Si la pratique de la rente est ancienne, la figure du rentier apparaît, elle, au XIXe siècle avec l’élargissement des possibilités de placements offertes au détenteur d’une épargne. Non sans humour, l’économiste John Keynes en recommandait l’euthanasie, considérant que leur propension à privilégier l’avenir sur le présent gênait la croissance économique.

L’industriel

Il est l’héritier de l’entrepreneur marchand qui, de l’Antiquité jusqu’à la Renaissance, faisait travailler des artisans en leur procurant de la matière première et en les rétribuant à la pièce. Parmi les plus célèbres : Alfred Krupp (1812-1887), à l’origine d’un géant de la sidérurgie ; John D. Rockefeller (1839-1937), à l’origine de la fondation de la première compagnie pétrolière, la Standard Oil, en 1870 ; les Wendel, etc. Parmi les plus emblématiques en matière d’innovation : Boulton, fabriquant de chaudières qui s’associa avec Watt pour concevoir des machines à vapeur ; les pionniers de l’industrie automobile : Henry Ford (1863-1957), André Citroën (1878-1935), etc. Plus près de nous, les Bill Gates (né en 1955), patron de Microsoft, et autres Sergey Brin (né en 1974) et Larry Page (né en 1973), fondateurs de Google, etc. L’économiste Joseph Schumpeter fait de l’industriel le personnage central du capitalisme moderne et de son processus de destruction créatrice (destruction de secteurs entiers d’activité avec apparition simultanée d’autres secteurs autour de nouveaux produits et services ; un phénomène constant dans le capitalisme). Dans le capitalisme managérial moderne, son rôle individuel est plus contesté, même si la vague des start-up a réactivé le mythe.

L’ouvrier

Il n’a pas attendu la révolution industrielle ni les usines pour jouer un rôle central dans le paysage économique. Mais il s’agit alors soit d’un esclave, soit de l’employé d’un artisan relevant d’une corporation ou d’une guilde (le terme de corporation apparaît au XVIIe siècle) ; soit d’un artisan dépendant d’un entrepreneur marchand qui l’approvisionne en matière première. Il faudra attendre l’émergence des grandes concentrations d’ouvriers dans les usines modernes pour que la figure collective de la classe ouvrière apparaisse dans l’histoire sociale et économique.

Le salarié

Il apparaît bien avant la société industrielle. Les historiens du Moyen Age (Georges Duby, Jacques Le Goff, Bronislaw Geremek) n’hésitent pas à parler de salarié (et de salariat) en désignant par là une personne qui n’a pas d’autres possibilités pour éviter la misère que de louer tout ou partie de sa force de travail. Comment ce salarié, qui symbolise alors l’extrême précarité, finira par symboliser l’inverse - l’individu socialement intégré - dans la société fordiste ? C’est l’objet notamment de l’ouvrage de l’historien Robert Castel.

A lire : Les Métamorphoses de la question sociale, par Robert Castel, éd. Fayard, 1995.

Le manager

Une figure récente qui naît avec l’émergence des grandes organisations bureaucratiques et le divorce croissant entre direction effective de l’entreprise et détention du capital. Quelques-uns de ces managers se sont illustrés par la conception de nouvelles organisations de la production, comme Frederick W. Taylor (1856-1915), Alfred P. Sloan, PDG de General Motors (1875-1966), ou encore Taiichi Ohno (1912-1990), inventeur du toyotisme.

L’actionnaire

Institutionnel ou individuel, il s’impose dans le paysage économique à partir du XIXe siècle avec la reconnaissance du statut de la société anonyme et l’essor de la Bourse (même si, de tout temps, seule une minorité d’entreprises sont cotées). Aujourd’hui, on estime à 300 millions le nombre de personnes - spéculateurs, boursicoteurs, salariés, retraités - qui détiennent des actions à travers le monde, dont près de 6 millions en France.

Le ministre des Finances

Le surintendant des Finances s’impose avec la constitution des grands Etats modernes et la nécessité d’une administration rationnelle des finances publiques. Il est l’ancêtre de notre ministre des Finances.

L’homo oeconomicus

C’est l’Arlésienne de cette aventure économique. Les économistes en parlent depuis plus d’un siècle et pourtant personne ne l’a jamais vu en chair et en os. Et pour cause : c’est un produit de l’imagination d’un économiste, Vilfredo Pareto, qui désigne par là le versant de l’homme dont il revient aux économistes d’étudier les comportements (l’homo sociologicus étant l’objet de la sociologie, etc.). Ces comportements sont fondés sur l’optimisation de son utilité et ne seraient pas seulement observés chez l’agent économique : l’amant, le chef de famille, etc. tiendraient aussi de l’homo oeconomicus. Du moins est-ce l’hypothèse formulée plus récemment par l’économiste américain Gary Becker.

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