Les outils et les lieux de l’aventure économique

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L’agora

Nous vivons dans des économies de marché. Mais avant de devenir un concept de plus en plus désincarné avec le développement des technologies de l’information et de la communication, le marché a très longtemps été d’abord un lieu physique. Le lieu où, dans les premières villes naissantes, les habitants se retrouvaient régulièrement pour procéder aux rites religieux et échanger à la fois les informations et les biens.

L’écriture

Impossible de dire pourquoi et dans quelles circonstances l’écriture a été inventée. Mais nombre des premiers documents écrits retrouvés, notamment la plupart des tablettes cunéiformes de Mésopotamie, ont trait à des transactions économiques ou aux droits de propriété.

Les poids et mesures

Ils sont depuis la nuit des temps à la base des échanges économiques. Et c’est pourquoi le contrôle de la validité des unités de mesure utilisées par les commerçants a depuis toujours été une des prérogatives essentielles des pouvoirs publics.

La comptabilité

Depuis que les hommes écrivent, ils établissent des comptabilités. Des tablettes de comptabilité datant du IVe millénaire avant notre ère ont été trouvées dans les vestiges du temple d’Ourouk, en Mésopotamie. Mais c’est en 1494, avec le traité de Fra Luca Pacioli, que naît la comptabilité moderne d’entreprise dite en " partie double ". Et c’est au XVIIe siècle que Colbert impose aux entreprises françaises les premières obligations comptables. Tandis qu’en 1707, Vauban entreprend la mise en place de la première véritable comptabilité publique.

La monnaie

Les premières pièces de monnaie, rondes et plates, sont apparues en Grèce au VIIIe siècle avant notre ère. Plusieurs monnaies ont durablement marqué l’histoire : l’aureus (monnaie frappée en or sous Auguste), le solidus (sous Constantin, en l’an 310 et à l’origine du sou), le numisma des Byzantins, le dinar et le dirham des Arabes, le florin de Florence, le ducat de Venise, le gulden (hollandais), la livre sterling et le franc germinal. Particularité de ces monnaies : leur valeur n’était pas liée à un espace politique (comme nos monnaies d’aujourd’hui), mais à leur poids en métal précieux. Pour satisfaire leurs besoins, Etats et seigneurs furent aussi enclins à battre monnaies à partir d’alliages ou de métaux moins nobles qui, par l’inflation qu’elles entraînent, eurent pour effet de favoriser périodiquement un retour au troc ou au paiement en nature.

L’usure

A Athènes, les lois de Solon autorisaient la pratique des taux d’intérêt. L’usure fut cependant critiquée par des générations de philosophes et de penseurs. L’Eglise chrétienne s’y opposa des siècles durant : en 1179, le IIIe concile de Latran écarte les usuriers des sacrements et interdit aux prêtres d’accepter leurs aumônes ; en 1212, le IVe concile condamne l’argent gagné sur l’argent. Motif : l’homme était censé gagner son pain à la sueur de son front. Au XIIIe siècle, une invention permet de sauver les apparences : c’est le Purgatoire, l’antichambre du Paradis, destiné à ceux qui s’adonnent à l’usure sans excès, en en faisant profiter pauvres et prêtres par leurs dons. Le Ve concile de Latran (1515) admettra le crédit accordé aux monts-de-piété.

Les impôts et les taxes

Ils sont aussi vieux que les premiers Etats et Empires. Les archéologues ont retrouvé des traces de systèmes fiscaux dès le IVe millénaire avant J.-C., en Egypte et en Mésopotamie. L’idée d’un impôt progressif, en fonction de la richesse, est admise très tôt, par les Athéniens (eisphora). De même, les premiers empereurs romains imposent les praticiens en fonction de leurs moyens (système du cens). Au Moyen Age, on ne compte plus les taxes comme la taille, la gabelle (sur le sel), la dîme, etc. A quoi s’ajoutent des prélèvements arbitraires et des emprunts forcés. Au total, le taux de prélèvement était nettement supérieur à celui pratiqué aujourd’hui. L’impôt sur le revenu tel que nous le connaissons a moins de 100 ans : il a été créé en 1913, après plusieurs décennies de tergiversations parlementaires.

A lire : 2000 ans d’impôts, par André Neurisse, éd. Sides.

Le contrat

On en trouve trace dès le XVIIIe siècle avant J.-C. dans le code Hammourabi qui réglemente pour la première fois le prêt, le gage, la caution, etc. Il n’est pas jusqu’au contrat d’assurance dont l’invention est ancienne : on en trouve trace dès 1287, sous la forme d’un acte notarié rédigé par un notaire de Palerme.

La Bourse

L’invention de ce haut lieu de l’économie moderne est attribuée à un certain Van der Burse, un riche négociant hollandais qui au XIVe siècle avait pris l’habitude d’accueillir dans son hôtel particulier de Bruges les marchands négociant leurs lettres de change à l’occasion de la foire de la ville. Auparavant, ces échanges s’effectuaient dans des lieux publics comme des cafés ou des auberges. La première Bourse spécialisée dans le change voit le jour dès le XVIe siècle, à Anvers, en 1531. Suivront les créations de la Bourse de Lyon, vers 1540, et de la Royal Exchange à Londres, en 1566. La première cote des actions est créée à Londres en 1714.

Le New York Stock Exchange - la première Bourse mondiale aujourd’hui - est créé à la fin du XVIIIe siècle. La création de la Bourse de Paris intervient, elle, en 1724. Elle sera fermée à la Révolution, en 1795, mais rouverte rapidement. Son installation au Palais Brongniart remonte à 1826. Cette année-là, seuls 26 titres y étaient cotés. Au cours du XIXe siècle, des Bourses voient le jour dans la plupart des villes industrialisées. Il faut cependant attendre les années 1980 pour qu’elles supplantent les banques dans le financement des grandes entreprises.

La banque

Condamnation de l’usure oblige, les premières banques se développent sur les activités de change, plus que de crédit. Elles satisfont les besoins des princes et des rois. A partir des XVIIe et XVIIIe siècles, de nombreux établissements bancaires voient le jour. La création des banques centrales, en charge de réguler les marchés bancaires nationaux, est plus récente (la Banque de France est créée en 1803).

La manufacture, l’usine

Dès l’Antiquité, on trouve trace de fortes concentrations de main-d’oeuvre (dans les mines), de même que, plus tard, dans des ports comme celui de Venise. Des vestiges de manufactures datant de la Gaule romaine ont été retrouvés à Arles, mais de telles organisations sont restées longtemps rares. A partir du XVe siècle, de grandes unités de production-fabrication voient le jour en Angleterre : il s’agit d’ateliers de fabrication de draps, regroupant notamment des enfants et des femmes. Ils sont créés à l’initiative de commerçants entrepreneurs. Le cas le plus célèbre : la filature de Richard Arkwright (1732-1792), à Cromford, considérée comme la première usine au monde (elle a été créée en 1769).

A lire : Entreprises et entrepreneurs, par Patrick Verley, éd. Hachette, 1994.

Les actions

Le principe du partage du capital en actions est acquis dès l’Antiquité, celui de leur revente sur un marché dès le XVIe siècle. Pour autant, on ne peut parler de société anonyme compte tenu de la brève espérance de vie de ces " entreprises ". Une exception : la société des Moulins de Bazacle, créée au XIIIe siècle à Toulouse, qui survécut jusqu’au XXe siècle avant d’être finalement nationalisée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, pour être intégrée dans EDF. Durant le Moyen Age, ses parts (appelées " uchaux ") s’achètent et se vendent.

Longtemps cependant, les sociétés par actions ne suscitèrent guère l’intérêt des épargnants. Ils furent, il est vrai, échaudés par les spéculations malheureuses qui jalonnèrent l’histoire économique, comme celle dont fut l’objet la Compagnie des Indes au XVIIIe siècle.

L’entreprise

En tant que " regroupement durable et (...) mise en oeuvre organisée de moyens en capitaux, en hommes, en techniques, pour produire des biens et des services destinés à un marché solvable " (Michel Drancourt), l’entreprise (ou firme) est un concept récent qui ne s’est véritablement développé qu’à partir du XVIIIe siècle. Auparavant, les entrepreneurs étaient avant tout des commerçants. Ils sous-traitaient la réalisation des produits qu’ils vendaient à des travailleurs à domicile en théorie indépendants.

A lire : Leçon d’histoire sur l’entreprise de l’Antiquité à nos jours, par Michel Drancourt, éd. PUF, 1998.

La boutique

La boutique apparaît au XIIIe siècle. Quant aux grands magasins, ils voient le jour au XIXe siècle, à Paris, avec Le Bon Marché, créé par Aristide Boucicaut (1810-1877), qui applique au commerce de détail des principes qui relèveront de ce qu’on appellera plus tard le marketing. Plus près de nous, la société de consommation de masse, sur fond det de révolution automobile, entraîne l’apparition de l’hypermarché (en France, le premier voit le jour en 1964, à Sainte-Geneviève-des-Bois, sous l’enseigne Carrefour).

La firme multinationale

Dans sa version moderne, elle apparaît dès la fin du XIXe siècle avec l’essor des investissements directs à l’étranger et la révolution des moyens de transport et de communication, qui permettent une organisation managériale à distance. A la veille de la Première Guerre mondiale, plus de 80 firmes américaines et européennes comptent des filiales à l’étranger. Cependant, dès le Moyen Age, réseaux monastiques, commerciaux et bancaires se déploient à l’échelle d’un ou de plusieurs continents.

A lire : Multinationales et mondialisation, par Jean-Louis Mucchielli, éd. Points Seuil, 1998.

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