Economie

La part des salaires recule sauf en France

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La valeur ajoutée des entreprises, c’est-à-dire ce qu’il leur reste une fois payés leurs fournisseurs, se partage en trois parts : celle destinée au fisc, celle destinée aux salariés, le reste revenant aux apporteurs de capitaux, actionnaires ou créanciers. En France, la part des salariés n’a guère bougé depuis une quarantaine d’années, sauf durant la période 1975-1985. Toutefois, en raison d’une forte augmentation des cotisations sociales, le salaire net a progressé moins vite que la valeur ajoutée. Dans les autres pays européens, en revanche, la tendance générale est à la baisse de la part des salariés.

Zoom Travail ou capital ?

Une fraction - décroissante - des travailleurs n’est pas salariée, et ce qu’ils gagnent rémunère à la fois leur travail et leur apport de capital. Aussi, le partage entre travail et capital est plus simple à observer dans les entreprises faisant appel au seul travail salarié (les sociétés non financières). A condition de retirer de leur valeur ajoutée ce qui n’est pas distribuable : impôts sur la production (taxe professionnelle, etc.) et coûts de remplacement des équipements en fin de vie. Or ces postes ont sensiblement augmenté au fil du temps : le fisc est à la recherche de nouvelles recettes et, surtout, la valeur des biens servant à produire (machines, etc.) n’a cessé de croître. Le montant distribuable, appelé "valeur ajoutée nette au coût des facteurs", est partagé entre travail (salarié) et capital. Un partage qui n’a guère bougé en France et se situe aux alentours de 80/20, sauf durant les années 1975-1982, où la progression de la valeur ajoutée a sensiblement ralenti après le premier choc pétrolier, sans que les rémunérations fassent de même. Mais cela ne pouvait durer : en 1982, ce qui allait au capital ne permettait même pas d’honorer les échéances d’emprunt des entreprises.

Part de la rémunération salariale (salaires et cotisations sociales) dans la valeur ajoutée nette au coût des facteurs des sociétés non financières, en %
Zoom Mieux vaut être actionnaire que salarié

A l’intérieur de la part revenant au capital, une part croissante de l’excédent d’exploitation a servi à financer le versement de dividendes aux actionnaires, qui, de ce fait, se sont davantage enrichis que les salariés. Le niveau des dividendes excède aujourd’hui largement les capacités de profit des entreprises. Celles-ci distribuent si largement à leurs actionnaires qu’il leur faut emprunter pour les rémunérer. Si les entreprises n’étaient pas elles-mêmes propriétaires d’actions qui leur rapportent des dividendes, elles n’auraient plus rien pour investir, en raison des exigences d’actionnaires insatiables.

Montant des dividendes comparé à l’excédent net d’exploitation, en milliards d’euros 2007
Zoom La protection sociale comprime les salaires directs

En trente ans, le salaire net moyen, mesuré en euros 2007 (pour éliminer l’effet de l’inflation), n’a progressé que de 14 %, un rythme annuel de 0,4 % en moyenne ; il a même régressé certaines années. Si, pour l’essentiel, ce n’est pas la voracité du capital qui comprime aujourd’hui les salaires des Français, d’où vient qu’ils ne progressent guère en pouvoir d’achat ? C’est parce que les cotisations sociales dans leur ensemble représentent une part croissante de la rémunération, mais aussi parce que la part salariale de ces cotisations (CSG et CRDS incluses) s’est accrue.

Rémunérations mensuelles moyennes (salaire + cotisations sociales) et salaires mensuels nets moyens, en euros 2007
Part des prélèvements sociaux employeurs et salariés dans la rémunération totale du travail salarié, en %
Zoom Serrages de vis chez les voisins

Les salariés européens sont loin d’être tous logés à la même enseigne. Quatre cas de figure émergent de l’observation des douze ou treize dernières années. Le premier est celui de la Suède (imitée par le Danemark et la Belgique) : le début de la période est marqué par une progression de la part de la valeur ajoutée versée aux salariés, suivie d’un tour de vis assez spectaculaire, un peu comme les années 1975-1985 en France.

Le deuxième est illustré par l’Allemagne ou la Finlande : c’est la stratégie de la déflation salariale continue, qui affaiblit la demande interne au profit de la demande externe. Troisième cas de figure, illustré par l’Espagne et l’Italie, le rattrapage salarial, mais qui suscite des difficultés : inflation en Espagne, dégradation de la compétitivité en Italie.

Part des rémunérations salariales dans la valeur ajoutée (nette au coût des facteurs) des sociétés non financières, en %

Enfin, le cas britannique est assez proche du cas français : stabilité, mais accompagnée outre-Manche d’un rattrapage après la potion amère des années Thatcher puis Major. Dans les deux premiers cas, c’est sur le dos des salariés que se font les ajustements liés à la mondialisation. Que cela se passe dans les pays considérés comme étant le coeur du modèle social européen incite à réfléchir.

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