Salaires : rien ne va plus
- Copier le lien
- 0 Commentaire(s)
Depuis dix ans, les salaires français augmentent très peu à l’exception des très hauts salaires. Et de plus en plus de salariés sont rémunérés au niveau du Smic ou à proximité, une évolution due en particulier aux exonérations massives de charges sociales sur les bas salaires. Malgré cela, la compétitivité-coût de l’économie française s’est nettement dégradée du fait de la hausse de l’euro. Non seulement vis-à-vis des Etats-Unis ou du Japon, mais aussi de la plupart des pays émergents, y compris la Chine... D’où à la fois un profond mécontentement social et de mauvais résultats en matière d’activité industrielle et de commerce extérieur...
20 des 27 pays de l’Union européenne imposent un salaire minimum. Même le Royaume-Uni est désormais doté d’un salaire minimum quasiment équivalent au Smic français. Et ce dernier ne figure pas parmi les salaires minimaux qui ont le plus augmenté depuis 2000. En revanche, la France se caractérise, aux côtés de la Bulgarie et d’autres pays d’Europe centrale et orientale, par la proportion très forte (un sur dix) de salariés rémunérés au salaire minimum. Et plus largement par une forte concentration de salariés en bas de l’échelle des salaires.
Ce phénomène s’est s’accentué ces dernières années, sous l’effet des politiques d’abaissement des cotisations sociales à proximité du Smic menées depuis le début des années 90. Ces cotisations sont devenues nettement progressives : elles sont beaucoup plus faibles au niveau du Smic que pour les salaires élevés, d’où la formation d’une "trappe à bas salaires". Ces mesures incitent les entreprises à créer en priorité des emplois rémunérés au Smic et les dissuadent d’augmenter la rémunération de ces salariés car, dans ce cas, le coût de leur travail augmenterait beaucoup plus vite que leur salaire net puisque le taux de cotisations sociales à payer s’accroîtrait fortement.
La France figurait en 2002 parmi les pays d’Europe où l’écart de salaires est le plus grand entre les cadres supérieurs et les agents non qualifiés, selon les données d’Eurostat. Davantage même qu’au Royaume-Uni. Les inégalités de salaires se sont cependant un peu réduites depuis trente ans si l’on ne prend en compte que les salaires à temps plein. Le tableau est différent quand on regarde les revenus salariaux qui correspondent à l’ensemble des revenus perçus au cours d’une année provenant directement d’une activité salariée. Ils reflètent ainsi le risque lié au non-emploi. Le revenu salarial médian a stagné en euros constants depuis le début des années 80, et les écarts se sont accrus entre les salariés du haut et du bas de l’échelle. Une situation qui s’explique essentiellement par la baisse des durées de paie liée à la précarité (développement des temps partiel et baisse du nombre de jours rémunérés dans l’année). Tandis que, à l’autre bout de l’échelle, on assiste depuis dix ans à une flambée extraordinaire des très hauts salaires.
L’évolution des salaires et des coûts salariaux a été très limitée en France depuis dix ans. Et cela malgré le passage aux 35 heures effectué entre 1998 et 2001. Ces coûts ont nettement moins progressé qu’en Espagne, en Italie ou au Royaume-Uni. Pourtant, la compétitivité-coût de l’économie française a beaucoup souffert du fait de la montée de l’euro vis-à-vis du dollar et de presque toutes les autres monnaies.
Alors qu’en 2000, l’heure de travail d’un ouvrier américain coûtait 27 % de plus que celle d’un ouvrier français, elle en valait 6 % de moins en 2006. L’évolution est encore plus accentuée par rapport au Japon. L’écart s’est aussi creusé depuis 2000 vis-à-vis du Mexique, du Brésil, de Taiwan et de la Chine. En Europe même, la montée de l’euro a limité le rattrapage des pays d’Europe de l’Est, tandis que, au sein même de la zone euro, l’Allemagne a mené une politique de "glaciation salariale", dont la France, son principal partenaire commercial, a beaucoup souffert.
Pour en savoir plus
-
Pour comprendre ces chiffres Les
déciles (comme les quartiles) partagent une distribution statistique en dix (ou en quatre) parties égales. Pour des salaires, le premierdécile est le salaire au-dessous duquel se situent 10 % des salaires ; le dernier est celui au-dessous duquel se situent 90 % des salaires.Où trouver ces chiffres Les données françaises : sur le site de l'
Insee , www.insee.fr, aller dans le thème "Revenus et salaires", puis cocher "Données détaillées".Les données européennes : sur le site d'Eurostat http://epp.eurostat.ec.europa.eu Aller dans "Populations et conditions sociales", puis "Données" ou "Publications ".
Des données mondiales sont disponibles sur le site du Bureau of Labor Statistics américain www.bls.gov/fls/ Simple, un peu vieillot, mais efficace.
Suivez-nous
En recevant notre newsletter
Soutenez-nous
Alternatives Economiques est une coopérative 100% indépendante qui appartient à ses salariés et qui ne vit que grâce à ses lecteurs. Nous avons besoin de vous pour faire vivre ce projet.