Éditorial

Etat de crises

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L’état de l’économie ? Il est très mauvais. L’économie mondiale n’a pas subi de choc aussi violent depuis 1929. C’est d’abord le résultat de la dérégulation qui a permis à la finance d’échapper à la surveillance mise en place après la crise des années 1930. Mais les désordres de la finance n’auraient pas eu de conséquences aussi lourdes s’ils n’intervenaient pas sur fond de déséquilibres colossaux de l’économie réelle et de remontée des inégalités à des niveaux inconnus depuis le début du XXe siècle. Avec notamment un surendettement massif des ménages américains, contrepartie des excédents fantastiques de la Chine, mais aussi de l’ensemble des pays du Sud. Autrement dit, les surplus tirés de la production au Sud n’ont pas été utilisés en priorité pour développer les systèmes éducatifs et de santé ou pour élever les niveaux de salaire. Ils ont servi surtout à soutenir à bout de bras la surconsommation américaine via l’endettement. L’époque qui se termine apparaîtra probablement comme une période exceptionnelle d’aveuglement collectif à ceux qui en écriront l’histoire...

Face à cette crise 1, gouvernements et banquiers centraux, instruits des leçons de 1929, ont réagi assez rapidement. Même si, comme d’habitude, l’Europe peine à mettre en cohérence les politiques menées sur son territoire. Compte tenu de l’ampleur des déséquilibres, il n’est toutefois pas encore sûr que ces réactions suffisent à stopper la dynamique enclenchée. Notamment aux Etats-Unis, condamnés, d’une façon ou d’une autre, à consommer moins et à épargner plus, une mutation forcément douloureuse.

Tirera-t-on au moins les leçons de cette faillite en termes de régulation de la finance ? Le G20 de novembre dernier a lancé des pistes de travail sérieuses. Il reste cependant à vérifier que la communauté internationale est vraiment capable de surmonter les intérêts contradictoires de ses membres et de contrer le lobbying des puissants intérêts privés qu’il s’agirait de ramener à la raison.

A la crise économique s’ajoute de plus la crise écologique. Et il ne s’agit plus de "générations futures" : d’ici trente ans, nous devrons avoir trouvé des solutions face au changement climatique et à l’épuisement des énergies fossiles. Peut-on conjuguer lutte contre la crise économique et lutte contre la crise écologique ? La réponse est oui. Changer nos façons d’habiter, de construire des villes, de produire de l’énergie, de nous transporter, etc., c’est en effet réaliser un effort d’investissement colossal susceptible de générer beaucoup d’emplois. Mais la tentation est forte également de subventionner la consommation et l’emploi, quels qu’ils soient et quelles qu’en soient les conséquences en termes environnementaux. Cette bataille-là non plus n’est pas encore gagnée...

  • 1. Cette crise et les réactions qu’elle suscite sont bien entendu analysées mois après mois dans Alternatives Economiques. De nombreux articles sur ce sujet sont disponibles dans nos archives en ligne sur www.alternatives-economiques.fr (voir en particulier le dossier Web "Crise économique et financière").

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