Société

Une France plus carcérale

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62 400 personnes étaient incarcérées dans les prisons hexagonales mi-2009, contre 50 000 au début de la décennie. Des hommes toujours plus nombreux (femmes et mineurs comptant respectivement pour 3,4 % et 1,1 %), détenus dans des conditions qui restent dramatiques et la majorité sans perspectives à la sortie. Cette évolution résulte, pour une bonne part, du durcissement du code pénal et de son interprétation plus sévère, ainsi que d’une politique humainement et budgétairement coûteuse qui consiste surtout à construire de nouvelles places de prison... à un rythme qui peine à suivre la hausse de la population en détention.

Zoom Toujours plus nombreux derrière les barreaux

Alors que moins de 70 000 personnes avaient été incarcérées en France en 2001, ce nombre a atteint près de 90 000 en 2007 et en 2008. Cette évolution, aggravée par l’allongement de la durée moyenne de la détention (8,1 mois en 1997, 8,8 en 2008), a entraîné une explosion de la population en prison, après le mouvement de baisse de la fin des années 1990. Cette évolution n’est pas propre à la France : les attentats du 11 septembre ont justifié un peu partout un tour de vis sécuritaire, y compris dans les pays d’Europe du Nord où la politique pénale limite plus qu’ailleurs le recours à la prison. En France, les aménagements de peine des personnes écrouées sont réduits à la portion congrue et l’essor du bracelet électronique n’a en rien fait reculer la détention.

Population écrouée et détenue en France au 1er avril
Nombre de personnes écrouées au 1er août 2009
Répartition des condamnés par longueur de peine au 1er janvier 2009
Durée moyenne de la détention en 2006, en mois
Zoom Conditions critiques, moyens insuffisants

Il y avait en août dernier 9 000 détenus en surnombre dans les prisons françaises. Et les 11 m2 réglementaires par personne sont loin d’être respectés : 134 des 232 établissements ou quartiers étaient surpeuplés, une dizaine comptant plus de deux prisonniers par place. L’addition de 4 500 places entre janvier 2004 et janvier 2009 n’a guère fait reculer cette surpopulation, qui aggrave des conditions de détention déjà mauvaises à tous les niveaux : violences, sous-activité, relations avec l’extérieur, alimentation et hygiène, etc. Des conditions qui participent au nombre élevé de suicides : une centaine par an, 115 en 2008. S’attaquer à la surpopulation carcérale - plus élevée en France que chez nombre de nos voisins - en construisant de nouvelles places de prison est-il alors la solution ? Pas sûr, car les budgets dévolus à l’administration pénitentiaire diminuent si on les rapporte au nombre de personnes écrouées. Une évolution très inquiétante.

Taux d’occupation carcérale, 2007-2009, en %
Evolution du budget de l’administration pénitentiaire (en milliards d’euros de 2008, hors pensions) et budget par personne écrouée (en euros)
Zoom Au Sud, des cellules dramatiquement surpeuplées

Dans 130 pays sur un peu plus de 200, les taux de détention sont supérieurs à ceux de l’Hexagone (passés en 2009 à 103 détenus pour 100 000 habitants) ; et ils progressent souvent. La Russie et les Etats-Unis affichent des niveaux records. Quant à la surpopulation, les taux excèdent ceux de la France dans 78 Etats : à l’exception de l’Espagne et de la Grèce, ce sont tous des pays pauvres. Dans les pays du Sud, la dotation très faible des budgets de l’administration pénitentiaire transforme ainsi bien des prisons en mouroirs. En cause surtout, des systèmes judiciaires calqués sur ceux des pays riches, mais sans les moyens correspondants pour juger les affaires. Résultat : des taux dramatiques de détention préventive (plus de 75 % au Niger, au Bénin ou au Mali, contre 24 % en France), avec des prisonniers qui peuvent attendre plus d’une année avant d’être entendus, voire être purement et simplement oubliés.

Les pénitenciers font le plein presque partout dans le monde

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