La faim s’étend

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Le retour des bonnes récoltes et le repli des prix ont fait oublier les émeutes de la faim qui ont secoué plus de 30 pays au printemps 2008. Pourtant, avec la crise, le cap du milliard de personnes sous-alimentées devrait être franchi cette année dans le monde en développement. Les ressources alimentaires existent, mais leur accès est trop inégal. L’autre défi est pour demain : pour nourrir 9 milliards d’êtres humains en 2050, le développement de la production agricole doit redevenir une priorité des politiques publiques au Sud. Tout en évitant les erreurs passées de l’agriculture productiviste.

Zoom Un milliards d’affamés

Envolée des prix et récession obligent, le nombre de personnes souffrant de la faim devrait, selon la FAO, dépasser pour la première fois le milliard en 2009. 100 millions de plus qu’en 2008. L’objectif de la communauté internationale de réduire ce nombre à 420 millions d’ici à 2015 s’éloigne donc. Pourtant, en théorie, chaque humain dispose aujourd’hui de 40 % de grains en plus qu’en 1960. En Afrique subsaharienne, la disponibilité alimentaire moyenne dépasse même les 2 000 calories par jour. Nourrir le monde est d’abord une question de plus juste répartition des ressources.

Répartition estimée des populations sous-alimentées par région en 2009 (en millions) et augmentation par rapport à 2008 (en %)
Zoom Une détente provisoire ?

Après les sommets atteints au printemps 2008, les prix des denrées alimentaires sont redescendus. Mais pour les céréales, qui constituent la base de l’alimentation, ils restent à des niveaux nettement plus élevés qu’entre 1990 et 2005. Il avait suffi de mauvaises récoltes dans les pays producteurs du Nord et en Australie pour susciter cette envolée des prix. La montée en puissance des agrocarburants a accentué la pression : même s’ils restent marginaux au niveau mondial, ils absorbent déjà plus d’un quart de la production de céréales aux Etats-Unis. Les bonnes récoltes enregistrées en 2008 ont calmé la fièvre et fait remonter les stocks mondiaux, en baisse depuis le début de la décennie. Selon les prévisions de la FAO et de l’OCDE, les prix devraient rester modérés dans les deux à trois ans à venir du fait de la récession, avant de recommencer à augmenter légèrement (en moyenne de 10 % à 20 %) par rapport aux niveaux d’avant le pic. Un scénario optimiste qui n’exclut pas des épisodes de forte volatilité des prix.

Stocks mondiaux de céréales en fin d’année, en millions de tonnes
Indices de prix mensuels des produits alimentaires, base 100 = moyenne 2002-2004
Part de la production de maïs consacrée aux agrocarburants aux Etats-Unis, en %
Zoom Un modèle agricole à revoir

Pour satisfaire les besoins futurs de l’humanité et réduire les inégalités tant en quantité qu’en qualité, il serait nécessaire d’accroître la production alimentaire mondiale de plus de 40 % d’ici à 2030 et de 70 % d’ici à 2050, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Or on observe depuis les années 1990 un plafonnement des superficies cultivées dans le monde et des rendements. Même si, indique la FAO, seulement 40 % de la surface cultivable de la planète est cultivée, ce sont les meil-leures terres qui sont déjà utilisées et il ne faut pas s’exagérer le potentiel restant (zones éloignées des lieux de consommation, desservies par le climat ou le relief, composition du sol...). C’est donc surtout en jouant sur les rendements qu’il sera possible d’accroître la production à l’avenir. Cependant, les méthodes qui ont prévalu jusqu’à ce jour (recours massif aux engrais chimiques et irrigation très gaspilleuse en eau) atteignent leurs limites. Elles ne pourront pas être perpétuées en raison de la dégradation des ressources naturelles qu’elles entraînent. Une autre agriculture, respectueuse des écosystèmes et capable d’en maximiser les ressources sans les détruire, est à inventer d’urgence.

Surface agricole mondiale, en millions d’hectares
Rendements du riz paddy en Chine, en tonnes par hectares

Riz paddy riz non décortiqué.

Rendement du blé en France, en tonnes par hectares
Consommation de différents aliments, en g/personne/jour
Zoom Les OGM, une fausse solution

Les cultures transgéniques couvraient, en 2008, 125 millions d’hectares dans 25 pays, alors qu’elles ne représentaient que 1,7 million d’hectares dans 6 pays en 1996. Face aux incertitudes concernant leur dangerosité pour la biodiversité et au risque d’inféodation de la filière agricole aux semenciers, ces derniers soulignent que les OGM sont une arme pour lutter contre la faim dans le monde, grâce à l’amélioration des rendements qu’ils permettraient. Dans la pratique, l’essentiel des cultures OGM sont destinées à des fins énergétiques ou d’alimentation animale. La mise au point de variétés nutritionnellement enrichies ou résistantes au manque d’eau, par exemple, reste un axe marginal de la stratégie des multinationales comme Monsanto.

Principaux pays producteurs d’OGM en 2008, en millions d’hectares et en % de la surface agricole mondiale en OGM
Principales cultures OGM en 2008, en millions d’hectares et en % de la surface agricole mondiale en OGM

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