Comment professionnaliser les formations ?
Le développement, ces dernières décennies, de formations initiales professionnelles répond au souci de mieux adapter les jeunes aux réalités du
Mieux adapter les jeunes aux réalités du marché du travail est un des enjeux majeurs de la politique éducative. La poursuite de cet objectif s’est traduite depuis quarante ans par un certain nombre de mesures : création des bacs professionnels et des licences professionnelles, extension de l’apprentissage à l’enseignement supérieur, réforme de la voie professionnelle et rénovation du bac pro, qui s’effectue dorénavant en trois ans (contre quatre avant 2009). Des actions relayées par les politiques régionales en matière de formation professionnelle, notamment pour les jeunes demandeurs d’emploi...
Pour occuper les emplois de demain
Mais la multiplication des titres scolaires et universitaires soulève aussi des débats sur la valeur des diplômes et le déclassement des jeunes sur le marché du travail. En dehors des différences de méthode de mesure, les analyses sont consensuelles : le déclassement, qui touche entre 10 % et 30 % des jeunes, reste plutôt stable depuis une quinzaine d’années. Par ailleurs, à l’issue de la formation initiale, pas plus d’un jeune sur deux n’occupe un emploi "correspondant à sa formation".
Une situation qui n’est pas spécifique à la France et qui est bien commune à tous les pays européens. Ainsi, la stratégie européenne pour l’éducation et la croissance à l’horizon 2020 prône un investissement fort dans l’éducation et la formation professionnelle pour préparer les citoyens à occuper les emplois de demain et ainsi favoriser la croissance économique.
Général versus professionnel dans le secondaire
En principe, dans le système éducatif français, les enseignements généraux et professionnels pré et post-baccalauréat répondent à des objectifs bien distincts. Même si 9 % des sortants du système éducatif en 2010 ont comme plus haut diplôme un baccalauréat général, celui-ci est un diplôme d’entrée dans l’enseignement supérieur, et non un diplôme d’entrée sur le marché du travail. La voie professionnelle de l’enseignement secondaire, malgré le processus de rénovation dont elle a fait l’objet - le bac pro en trois ans par exemple -, reste encore trop souvent perçue comme une voie de relégation par les familles, qui préfèrent orienter leurs enfants vers la voie générale. Sous-entendant que les savoirs acquis en situation professionnelle auraient une valeur moindre que les savoirs académiques.
Par ailleurs, les analyses de l’insertion professionnelle le démontrent régulièrement : dans l’enseignement secondaire, les différences de spécialité de diplôme jouent tout autant, voire parfois plus, que le niveau de diplôme lui-même. Aux niveaux CAP ou bac, les diplômés des spécialités industrielles se positionnent sur le marché du travail bien mieux que leurs homologues des spécialités tertiaires (hors santé et action sociale).
Les mécanismes de recrutement des entreprises et leur perception des diplômes participent fortement à la construction de la position de ces derniers sur le marché du travail. Les entreprises ne privilégient pas uniformément un diplôme professionnel d’un niveau donné (alors que ce sont des métiers visés par le diplôme), mais adaptent leurs exigences aux caractéristiques de l’emploi qu’elles cherchent à pourvoir.
Un manque de lisibilité dans le supérieur
Parallèlement, le développement de diplômes professionnels a conquis l’enseignement supérieur, en prenant toutefois un visage sensiblement différent. En effet, contrairement à ce qui est observé dans l’enseignement secondaire, les diplômes professionnels du supérieur (BTS-DUT, licences professionnelles, Miage [méthodes informatiques appliquées à la gestion des entreprises]...) offrent une performance relativement meilleure sur le marché du travail par rapport aux filières traditionnelles de l’université.
Ces formations permettent de mieux identifier les compétences productives acquises, mais elles sont aussi plus sélectives. Elles bénéficient également de davantage de moyens, puisque les étudiants y trouvent un plus fort taux d’encadrement et des horaires de cours plus chargés.
Elles souffrent néanmoins d’un nombre pléthorique de titres qui brouille leur lisibilité par les étudiants et les recruteurs. Pour autant, à l’issue d’une licence professionnelle par exemple - seulement 3 % de l’ensemble des sortants du système éducatif une année donnée -, le taux d’emploi est de 85 %, un niveau égal à celui des sortants avec un master. Le système d’enseignement supérieur engagé dans le mouvement européen de construction des certifications devra permettre de mieux identifier les compétences produites (via les référentiels des diplômes) et mieux articuler l’enseignement avec le monde du travail (développement des stages, d’ateliers professionnels, de l’apprentissage...).
Les perspectives de carrière et de rémunération
Aujourd’hui, le système éducatif prône plus de professionnalisation dans ses formations, jusqu’à atteindre les bastions de la formation universitaire. Pour autant, les savoirs généraux restent indispensables dans le monde professionnel, en particulier dans la construction et le développement des parcours professionnels. Il n’est pas inutile de rappeler que, par exemple, la formation continue demeure plus souvent accessible aux personnes ayant des niveaux d’éducation élevés, leur permettant d’intégrer plus facilement de nouveaux savoirs.
En effet, l’adéquation idéale entre formation et emploi est en partie une utopie. Le seul critère de l’entrée rapide dans la vie active ne suffit pas à évaluer une bonne insertion. Il faut également tenir compte des évolutions et perspectives de carrière. Ainsi, les cursus généralistes de l’université ne proposent pas une adéquation entre formation et emploi aussi fine que certains cursus professionnels courts. La première embauche se fait donc parfois désirer pour ces jeunes diplômés de l’université. Mais ils ont ensuite des perspectives de carrière et de rémunération intéressantes.
L’objectif du système éducatif est aussi de donner aux individus une capacité à occuper des emplois de qualité et de pouvoir changer de travail au cours de leur vie professionnelle. Une bonne formation est avant tout une formation qui permet de gérer les incertitudes de la vie professionnelle et d’être en capacité de se former tout au long de celle-ci.