Éditorial

Du pain sur la planche

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Le monde n’a finalement pas disparu en 2012. Et il devrait également survivre à 2013. Néanmoins, plus de quatre ans après le septembre noir qui avait vu la chute de Lehman Brothers emporter toute la planète financière, l’économie mondiale est toujours loin d’être revenue au mieux de sa forme. Et c’est bien sûr particulièrement vrai de la France et de l’Europe, où le chômage monte inexorablement vers les sommets. Certes, depuis que Mario Draghi est descendu dans l’arène l’été dernier pour faire peur aux spéculateurs avec le "gros bazooka" de la Banque centrale, ceux-ci ont déserté les marchés des titres de dette européens. Mais on aurait tort d’assimiler le calme relatif revenu sur ces marchés (pour l’instant) avec la fin de la crise de la zone euro. Il est à craindre, au contraire, que la disparition de la menace spéculative contribue à enfermer davantage encore les dirigeants européens dans l’immobilisme où les accule généralement la confrontation des égoïsmes nationaux.

Pourtant sur le fond, rien n’est réglé. Malgré la politique monétaire très accommodante de la Banque centrale européenne, la gouvernance économique de la zone euro, pourtant réformée ces derniers mois, est déjà en train de faire la preuve de sa nocivité : elle fait retomber la zone dans la récession du fait de l’austérité budgétaire excessive qu’elle exige au plus mauvais moment. Parallèlement, aucun progrès n’a été réalisé en matière d’harmonisation fiscale. Et dans ces conditions il est largement illusoire d’espérer rétablir les comptes publics sans faire payer le coût de l’ajustement par les pauvres et les classes moyennes en priorité. Il n’existe pas plus qu’hier de politique industrielle européenne ni de mécanismes de transfert internes à l’Europe qui permettent de corriger les déséquilibres qui s’accumulent dans la zone. Bref, malgré le calme revenu sur les marchés, tout ou presque reste en réalité à faire pour assurer réellement la survie de la zone euro à moyen terme. Et donc avoir, dans ce contexte, une chance de redresser l’économie française.

Mais le plus inquiétant dans la situation actuelle reste bien de constater à quel point les difficultés immédiates que nous rencontrons nous empêchent de nous préparer aux défis déterminants du XXIe siècle. Au lieu de s’engager dans la lutte contre le changement climatique, chacun se met à exploiter les gaz de schiste pour être sûr de pouvoir continuer tranquillement à accroître ses émissions de gaz à effet de serre. Rien n’est fait non plus pour transformer, au Nord comme au Sud, les modes de production agricoles, mais aussi les modes de consommation alimentaires, afin d’être en mesure de nourrir demain 9 milliards d’humains. Pourtant, si nous étions capables de lever le nez du guidon et de prendre au sérieux la conversion écologique de nos économies, celle-ci pourrait devenir le moteur principal d’une sortie de crise, en France comme en Europe.

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