Le lien avec les entreprises en lycée professionnel
Familiariser les jeunes des
Quand un chef d’entreprise vient nous raconter tout ce qu’il a pu faire avec son CAP, on se dit que nous aussi on peut y arriver." Ce témoignage illustre l’importance des liens entre l’école et l’entreprise. Au sein de l’Education nationale, l’enseignement professionnel se distingue déjà par son ancrage fort dans le monde du travail. Le milieu professionnel y est systématiquement sollicité pour accueillir les élèves en stage et participer aux jurys d’examen. En outre, de nombreux lycées professionnels organisent des actions complémentaires en lien avec des employeurs, notamment pour renforcer la visibilité des débouchés de leurs formations. Malgré cela, une partie des jeunes concernés reste à distance du monde de l’entreprise. A la méconnaissance des outils nécessaires à la recherche d’emploi s’ajoute pour eux la faiblesse des réseaux sociaux, souvent déterminants pour accéder à un premier emploi.
Renforcer le lien entre l’école et l’entreprise
C’est pourquoi les pouvoirs publics encouragent le développement des initiatives locales qui font le lien entre l’école et l’entreprise et souhaitent les voir se diffuser plus largement. Pour mettre en évidence de bonnes pratiques, ils ont récemment financé une expérimentation destinée à préparer les élèves à la recherche d’emploi et à faciliter leur intégration dans le monde du travail. Six établissements se sont impliqués et ont organisé des actions spécifiques durant deux années scolaires. L’évaluation de cette expérimentation a été confiée au Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq), qui en a tiré les principaux enseignements1.
Les jeunes lycéens professionnels se préoccupent-ils de leur future entrée sur le marché du travail ? Deux profils coexistent. Une partie des jeunes témoigne d’une vision réaliste et lucide de ce qui les attend une fois sortis du système scolaire, et des moyens qu’ils seront amenés à déployer pour accéder à l’emploi : "On le sait bien ! Faudra partir d’ici. Y a pas de travail à B." Quelques-uns tirent leur connaissance de la pratique même : ils travaillent régulièrement lors des vacances scolaires ou exercent parallèlement à leurs études un emploi à temps partiel. Un second profil rassemble les élèves peu soucieux d’envisager dès la terminale l’avenir professionnel qui se présente à eux et les moyens d’y faire face : "On passe d’abord notre bac et on verra après !" Il semble que ces jeunes-là préfèrent ne pas chercher à connaître davantage ce qu’ils redoutent, le contexte socio-économique n’invitant pas à l’optimisme : "Partir d’ici ? Comment on va faire loin de la famille avec 1 000 euros par mois ?" Ce clivage ne recouvre pas pour autant la distinction entre ceux, nombreux, qui souhaitent poursuivre leurs études et ceux qui envisagent une entrée immédiate sur le marché du travail : "Si je veux faire mon BTS en apprentissage, il faudra que je trouve une entreprise."
Ainsi, au sortir du lycée, bon nombre d’élèves semblent peu préparés à la recherche d’emploi. Par ailleurs, les tuteurs de stage insistent sur la connaissance souvent floue, voire inexistante, que ces jeunes ont des codes socioprofessionnels. Lors des périodes de formation en milieu professionnel, il n’est pas rare qu’un élève s’absente sans prévenir l’employeur ou réponde sur son téléphone portable en toutes circonstances. Un tuteur excédé témoigne : "J’en ai même trouvé un qui dormait dans une cabine d’essayage !" Quant aux enseignants, ils soulignent la nécessité pour beaucoup de lycéens de gagner en autonomie et de se préparer à une éventuelle mobilité géographique. Quel peut être l’apport des acteurs du monde professionnel pour ces jeunes ?
Dessiner un horizon
Ils bénéficient d’un crédit solide auprès des jeunes. S’agissant de l’accès à l’emploi et du travail, leur parole est mieux entendue que celle des enseignants, que les élèves estiment trop éloignés du monde de l’entreprise, même quand ils en sont issus : "Dans l’entreprise, ils savent mieux que nos profs comment on fait un CV aujourd’hui !"
Pour aider les jeunes à envisager leur insertion, qu’il s’agisse pour eux de mieux utiliser les outils de recherche d’emploi ou de tisser un réseau relationnel, plusieurs actions peuvent être menées, au-delà des stages et des jurys d’examen.
En premier lieu, le professionnel peut intervenir en tant que témoin. Il présente alors son entreprise et, souvent, son propre parcours professionnel. Le récit de l’itinéraire de l’intervenant contribue à dessiner un horizon et à repérer les différentes étapes qui permettent de l’atteindre. Les élèves sont friands de témoignages, car ceux-ci facilitent la projection dans un univers opaque qu’ils n’entrevoient qu’au travers des stages. Les lycéens peuvent également rencontrer les professionnels dans le cadre de salons ou de forums pour l’emploi. En outre, des visites d’entreprises sont fréquemment organisées par les équipes enseignantes. Les élèves observent alors "sur le terrain" les différents postes de travail sur lesquels ils pourraient être amenés à travailler et découvrent les progressions de carrière possibles au sein de l’entreprise. Ces échanges permettent également aux lycéens d’identifier des recruteurs potentiels et aux professionnels d’élargir le vivier des futurs candidats aux emplois qu’ils sont susceptibles d’offrir.
Des échanges valorisants
Ensuite, le professionnel peut intervenir en tant que conseiller dans le cadre d’une relation interindividuelle avec le jeune. Bien souvent, l’organisation des rencontres s’opère par l’intermédiaire d’une association composée de bénévoles, chefs d’entreprise, salariés ou retraités. Elle peut être organisée par la CGPME ou Agefa PME sur le plan local. Dans le Pas-de-Calais, le Rotary club a organisé des rencontres entre lycéens et professionnels ou anciens professionnels le samedi matin, afin de travailler tout à la fois sur les savoir-faire et sur les comportements appropriés dans le monde de l’entreprise. L’objectif affiché est généralement d’améliorer le CV ou la lettre de motivation et de simuler un entretien d’embauche. Au-delà des bénéfices qu’en retire le jeune en termes de savoir-faire pour ses candidatures en vue d’un emploi ou d’une poursuite d’études, ces échanges sont souvent valorisants : "S’il prend le temps de m’aider gratuitement, c’est que je le vaux bien !"
Enfin, un site Internet peut être créé pour développer les réseaux relationnels. L’objectif est alors de tisser des liens au niveau local entre enseignants, élèves, tuteurs de stage, professionnels témoins et conseillers. Avec une déclinaison propre à chaque filière de formation afin d’étoffer progressivement le réseau des professionnels, les anciens élèves devenant à leur tour tuteurs de stage ou employeurs. Un lycée du Pas-de-Calais a déjà mis en place un site de ce type. Les élèves peuvent y trouver des aides pour mieux maîtriser les outils de recherche d’emploi et des informations sur le marché local du travail ; les employeurs peuvent y déposer des offres d’emploi ou de stage.
De telles actions permettraient de renforcer les liens entre l’école et le tissu économique local. Toutefois, la poursuite de cet objectif suppose une volonté sans faille et un travail de sensibilisation en direction du personnel enseignant, car au sein de l’établissement scolaire, il peut parfois être perçu comme concurrent de la préoccupation centrale : l’obtention du diplôme.
- 1. Le Céreq a évalué cette expérimentation initiée conjointement par le Fonds d’expérimentation pour la jeunesse (FEJ) et la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) du ministère de l’Education nationale. Ces travaux ont été soutenus par le FEJ au sein du ministère chargé de la Jeunesse. Voir "Sécuriser l’entrée dans la vie active des jeunes de lycées professionnels", par Christine Fournier et Agnès Legay, Net.doc n° 122, Céreq, avril 2014, accessible sur www.cereq.fr