Des stages aux multiples facettes

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De plus en plus répandus, les stages en cours d'études ne se déroulent pas dans les mêmes conditions selon les filières et les spécialités.

Prôné par les pouvoirs publics, les acteurs de l’enseignement et les employeurs, le stage en cours d’études est un outil important de la professionnalisation des formations. Les jeunes comme les professionnels - notamment en charge du recrutement - y voient une première occasion d’acquérir une expérience en lien avec les études suivies. Cela permet de compléter les enseignements théoriques par une mise en situation concrète dans l’univers professionnel. Pour les élèves de l’enseignement scolaire de la 6e à la terminale, les stages s’inscrivent désormais dans le "Parcours d’information, d’orientation et de découverte du monde économique et professionnel". Leur rôle est plus affirmé dans les formations professionnelles, où ils peuvent s’étendre sur plusieurs périodes de trois ou quatre semaines, voire davantage. Dans l’enseignement supérieur, la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) de 2007 généralise l’obligation d’avoir fait un stage pour l’obtention d’un diplôme dès le premier niveau universitaire.

Un déroulement mieux encadré

Un certain nombre d’abus ont été dénoncés par des collectifs de stagiaires et ex-stagiaires comme Jeudi noir : la crise et le chômage aidant, certaines entreprises ont eu recours à des armées de stagiaires, les utilisant comme une main-d’oeuvre précaire, sous-payée et corvéable. Cela concerne plus souvent des stages qui ont lieu après l’obtention du diplôme, avec, parfois, de fausses inscriptions universitaires. Rappelons que pour qu’un stage soit formateur, il faut que des salariés de l’entreprise s’y investissent. Aussi, pour estimer la qualité des stages, le Céreq interroge, dans ses enquêtes "Génération", les jeunes sur leur relation avec leur tuteur de stage dans l’entreprise. Au sein de la génération 2010, cette relation a été jugée "très fréquente" dans 60 % des cas. Par ailleurs, 64 % des jeunes déclarent y avoir appliqué des connaissances acquises au cours de leur scolarité.

Depuis 2006, des textes de loi visent à mieux encadrer le déroulement des stages. Ils précisent les obligations de chaque partie prenante (le stagiaire, l’institution éducative et l’entité professionnelle d’accueil) sur des points précis comme le déroulement du stage, le contenu pédagogique, la durée, l’indemnisation ou encore le statut du stagiaire au sein de l’organisation.

61 % des jeunes sortis du système éducatif en 2010 (hors apprentissage), et ce quel que soit le niveau d’études atteint, ont réalisé un stage d’au moins un mois durant leurs études. On observe toutefois une disparité selon le niveau d’études : 62 % des jeunes sortis de l’enseignement secondaire en ont réalisé au moins un, contre 69 % de ceux de l’enseignement supérieur court (bac + 2 et bac + 3) et 86 % de ceux ayant suivi une formation de niveau bac + 5 ou plus. Il semblerait donc que plus on est diplômé, plus on fait de stages.

Tout dépend de la spécialité

Mais tout dépend de la spécialité suivie. Seulement la moitié des jeunes sortis d’une formation générale ont eu cette expérience professionnelle, contre les trois quarts de ceux ayant quitté le système éducatif via une formation professionnelle. Ainsi, ceux ayant un CAP-BEP ou un bac pro ont des taux de passage par des stages très proches de ceux sortant de l’enseignement supérieur. Par exemple, 74 % des jeunes qui ont préparé un baccalauréat professionnel ont fait l’expérience d’un stage d’au moins un mois alors que c’est seulement le cas de 26 % des jeunes ayant eu un bac technologique et de 7 % des bacheliers généraux. Les écarts entre les jeunes ayant terminé leurs études par une classe du premier cycle de l’enseignement supérieur sont d’une ampleur comparable : le taux de passage par un stage des sortants d’un BTS ou d’un DUT, d’une autre classe de bac + 2, d’une licence et d’une licence professionnelle est respectivement de 77 %, 26 %, 49 % et 85 %.

Nombre de formations intègrent dans leur programme pédagogique des sessions multiples chez un professionnel. Globalement, 77 % des stagiaires ont connu deux périodes en immersion chez un employeur. Et en moyenne, les jeunes réalisent 2,9 stages durant leur formation initiale. Certains en font davantage, comme ceux formés pour un métier du domaine de la santé et du social (cinq stages). Mais force est de constater que le nombre de stages effectués diffère peu selon les niveaux : 55 % des bacheliers professionnels ont réalisé au moins trois stages alors qu’ils ne sont que 39 % des sortants d’une licence professionnelle, 26 % des BTS-DUT et 54 % des masters professionnels.

Souvent par candidature spontanée

Près des deux tiers (64 %) des jeunes réalisent un stage lors de leur dernière année de formation. Le dernier stage entrepris constitue bien souvent le premier signal mis en avant par les jeunes en guise d’expérience, bien qu’ils aient pu faire des petits boulots. Différents canaux ont permis l’obtention de celui-ci : les deux principaux sont la candidature spontanée (39 %) et l’établissement de formation (30 %) - c’est alors surtout le fait d’un enseignant pour trois cinquièmes des stages et du service d’information et d’orientation pour un stage sur trois. Les étudiants de l’enseignement supérieur utilisent plus souvent les services de leur établissement de formation, en particulier dans les grandes écoles ou dans les formations en santé-social. Les réseaux que sont la famille ou les proches ne compteraient que pour 25 % (respectivement 10 % et 15 %). Bien sûr, le processus de recherche d’un stage s’apparente en partie à celui de la recherche d’un emploi. Aussi, des éléments de discrimination peuvent apparaître pour une catégorie de jeunes. Toutefois, il est difficile d’en rendre compte avec les données de l’enquête Génération.

Le stage n’a pas non plus la même durée selon le niveau du diplôme. Près de la moitié des stages durent un mois et 75 % n’en excèdent pas deux, sachant que ceux d’au moins deux mois deviennent la norme au-delà de la licence. Ainsi, les stages effectués par les jeunes en haut de la hiérarchie des diplômes sont trois fois plus longs que ceux obtenus par les jeunes de l’enseignement secondaire : pour 74 % des stagiaires de l’enseignement secondaire, celui-ci n’a duré qu’un mois ; à l’opposé, pour 79 % des stagiaires formés au niveau master 2 et au-delà, il a duré au moins quatre mois.

Plus ou moins payés, voire pas du tout

Pour 86 % des jeunes, ce stage s’est inscrit dans le diplôme préparé, et dans plus de neuf cas sur dix, il était obligatoire. Par ailleurs, deux tiers des jeunes ont pu alors mettre en application leurs connaissances "théoriques". Etonnement, les stagiaires issus d’une grande école ne sont que 55 % à estimer avoir pu mettre en application leurs savoirs scolaires. Globalement, l’enquête Génération tendrait cependant à prouver que la majorité des jeunes ne font pas que des stages "photocopies" et obtiendraient des expériences significatives en termes d’activité. Grâce à la charte des stages de 2006, un référent dans l’établissement de formation est attentif au contenu du stage et à sa correspondance avec la formation suivie.

Le versement d’une indemnité n’est néanmoins pas systématique, loin de là. Seuls 40 % des stagiaires ont ainsi touché un peu d’argent. La législation de 2009, qui l’impose même pendant les stages courts, n’est donc pas toujours appliquée puisque seuls 31 % des stages ayant duré deux mois ont été indemnisés, contre 78 % de ceux de plus de trois mois. Par ailleurs, le montant versé correspond en moyenne au seuil légal (435 euros), s’échelonnant entre environ 500 euros pour les stagiaires d’un niveau bac + 2/3 à 630 euros pour un jeune en master 2 professionnel et 875 euros pour ceux issus d’une grande école de management ou d’ingénieurs. Une loi datant de juin 2014 permet aussi aux stagiaires de bénéficier de tickets-restaurants et du remboursement de leurs frais de transport.

Zoom Les séjours à l’étranger se démocratisent lentement

30 % des jeunes sortis du système éducatif en 2010, soit 210 000 personnes, ont séjourné à l’étranger durant leurs études. Globalement, cette proportion s’élève avec le niveau de diplôme obtenu. Les diplômés de CAP-BEP sont les moins nombreux à avoir effectué des séjours à l’étranger (14 %). A l’opposé, les ingénieurs et diplômés d’une école de commerce sont ceux qui sont le plus partis (81 %). Au-delà du niveau de diplôme, la spécialité a également son importance : les diplômés de lettres, sciences humaines, gestion et droit ont une propension plus forte à séjourner à l’étranger que les diplômés en mathématiques, sciences ou technique.

Les origines socioculturelles jouent aussi : les jeunes évoluant dans un environnement familial favorisé sont plus souvent partis à l’étranger que les autres. Ainsi, 44 % de ceux dont le père est cadre ont séjourné à l’étranger durant leurs études, contre 22 % de ceux dont le père est ouvrier. De même, 48 % des jeunes dont la mère possède un diplôme de niveau bac + 3 ou supérieur ont séjourné à l’étranger, contre 24 % de ceux dont la mère ne possède aucun diplôme.

Les motifs de séjour les plus fréquemment cités sont les échanges scolaires, universitaires ou liés à la scolarité (46 % des jeunes partis à l’étranger), les stages (25 %) et le travail (17 %).

Les séjours effectués durant la dernière formation suivie, pour un des trois motifs précédents, ont été décrits de manière détaillée. Ils ont concerné 10 % des jeunes (72 000 personnes). L’Europe était la principale destination, à l’exception des diplômés de bac + 2/3 en santé-social, plus nombreux à se rendre en Afrique, notamment dans des missions de volontariat. Les pays anglophones (Royaume-Uni, Etats-Unis, Canada, Irlande) sont bien représentés.

La prise en charge du coût du séjour a parfois mobilisé plusieurs modes de financement. Les familles ont été mises à contribution dans 63 % des cas, 36 % des jeunes ont bénéficié d’une bourse ou d’une aide financière publique et 23 % d’une indemnité de stage. Un quart des jeunes ont par ailleurs été obligés de travailler pour financer leur séjour. Ce séjour a duré moins d’un mois pour un quart des jeunes et plus de six mois pour un autre quart. Les jeunes non diplômés ou diplômés de l’enseignement secondaire ont dans la grande majorité des cas réalisé des séjours de moins d’un mois.

L’appréciation du dernier stage par les jeunes n’est négative que pour 7 % d’entre eux. 62 % des stages sont plutôt considérés comme une expérience réelle de travail valorisante : probablement parce que ce temps de présence leur apporte les savoirs sociaux de l’univers professionnel. Dans huit cas sur dix, le stage a été mentionné dans un CV. 43 % des stagiaires affirment avoir mobilisé cette expérience pour l’obtention d’un emploi qu’ils ont occupé au cours de leurs trois premières années de vie active. Près d’un tiers des jeunes affirment s’être appuyés sur cette expérience pour obtenir leur premier emploi. Les conditions d’exercice du stage, qui sont comme on l’a vu très variées, apparaissent donc non négligeables en termes de facilitation de l’insertion professionnelle.

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