Economie

Les États-Unis conservent un leadership incontesté

5 min

Que ce soit dans la finance, la high-tech ou les savoirs, les Etats-Unis restent la première puissance mondiale. Et ne sont pas près d'être détrônés.

Sept ans après avoir été à l’origine d’une crise mondiale d’ampleur historique, la position des Etats-Unis comme première puissance économique mondiale ne paraît pas menacée. Ce résultat est le fruit d’une politique monétaire et budgétaire favorable à la croissance (voir encadré), mais aussi d’un leadership qui demeure incontesté, que ce soit en matière de finance, de puissance de ses entreprises ou d’innovation.

Le dollar toujours roi

La crise des subprime n’a pas entamé jusqu’ici la domination du dollar sur la finance mondiale. Sur le marché des changes, où les transactions quotidiennes s’élèvent à 5 300 milliards de dollars, la devise américaine est présente dans 87 % des échanges (sur un total de 200 %, car chaque échange implique deux monnaies), loin devant l’euro qui ne pèse qu’un tiers du marché et dont la part est en diminution depuis 2010.

Dans leurs activités internationales, les banques privées utilisent le dollar comme monnaie de crédit ou de placement dans 60 % des cas et l’euro pour seulement 20 %. Les banques centrales continuent également à faire confiance à la monnaie américaine : à la fin du troisième trimestre 2013, celle-ci représentait 61 % des réserves officielles de change connues (de nombreuses banques centrales ne donnent pas l’information) et l’euro seulement un quart.

Si le dollar continue donc à dominer la planète finance, la City de Londres arrive cependant devant les marchés américains sur de nombreuses activités importantes (crédits bancaires internationaux, marchés des changes, des produits dérivés, de l’assurance maritime). Malgré cela, lorsqu’on observe la globalité des financements internationaux, 35,2 % d’entre eux se dirigent vers les Etats-Unis, loin devant les 7,5 % à destination du Royaume-Uni.

Classement des trois premières multinationales, par niveau de capitalisation boursière en mars 2013, dans les secteurs d’innovations fortes

Sur ces quinze sociétés, onze sont américaines. une est suisse, une chinoise, une britannique et une japonaise.

Classement des trois premières multinationales, par niveau de capitalisation boursière en mars 2013, dans les secteurs d’innovations fortes

Sur ces quinze sociétés, onze sont américaines. une est suisse, une chinoise, une britannique et une japonaise.

Les Etats-Unis imposent donc leur devise au monde et attirent en priorité l’épargne mondiale. Cela se traduit certes par une dette extérieure importante, mais aussi par une grande dépendance des créditeurs à l’égard d’un marché large et liquide et au manque d’alternatives de placement. Contrairement à ce que l’on pense généralement, ce ne sont pas toujours les prêteurs qui sont en position de force...

La force des multinationales américaines

La domination des Etats-Unis reste également bien établie lorsqu’on s’intéresse au poids des grandes entreprises multinationales. Un premier regard sur le classement des 100 plus grandes firmes mondiales par leur capitalisation boursière montre que 41 d’entre elles sont américaines. Et, comme dans la finance, le suivant est loin derrière : le Royaume-Uni ne classe que 11 de ses entreprises dans ce Top 100. On assiste certes à une montée en puissance des multinationales du Sud, mais l’effet n’est véritablement significatif que pour la Chine (y compris Hongkong) qui place dix grandes entreprises dans ce classement. Tandis que l’Allemagne et la France ne sont présentes que pour quatre entreprises chacune.

Cette domination des multinationales américaines s’explique en partie par l’histoire : la période de reconstruction européenne et japonaise d’après-guerre leur a été profitable et leur a permis d’engager plus tôt que leurs concurrentes un mouvement d’expansion internationale. On peut s’en faire une idée grâce au stock des investissements directs réalisés à l’étranger par les entreprises des grands pays : les firmes américaines en détiennent 22 %, loin devant les 7 % et quelques du Royaume-Uni1.

Lorsqu’on mesure la valeur des grandes marques internationales à partir de plusieurs critères financiers et d’internationalisation, comme le fait chaque année le consultant Interbrand, on trouve 8 entreprises américaines parmi les 10 premières et 55 dans les 100 premières. Les grandes firmes américaines sont toujours, et de loin, celles qui structurent le plus la répartition mondiale des valeurs ajoutées et des emplois.

Les champions de l’innovation

Enfin, les Etats-Unis, acteurs publics et privés confondus, restent enfin le principal lieu mondial d’innovations, de maîtrise et de stockage des savoirs et des données. Un premier indicateur symbolique permet de s’en rendre compte : 38 % des prix Nobel et des prix de la Banque de Suède en économie sont allés à des Américains, les Britanniques se classant deuxième avec un peu plus de 12 % des lauréats. Dans l’univers des idées et des représentations du monde que nous nous forgeons, les universités et les intellectuels américains arrivent ainsi largement en tête.

Cette domination dans les savoirs se traduit concrètement dans le domaine économique. On le note par exemple à la place des multinationales américaines dans les secteurs stratégiques (voir tableau). On peut également le mesurer dans le classement Reuters des 100 plus grands innovateurs mondiaux qui agrège des indicateurs de dépôts de brevets, de pertinence et d’utilisation internationale de ces brevets : fin 2013, les Etats-Unis y classaient 45 entités, suivis par le Japon (28) et la France (12).

Zoom Une politique économique procroissance

Contrairement à leurs homologues européens, les dirigeants américains ont cherché à gérer la crise sans trop affaiblir la croissance. Barack Obama a engagé une stratégie de maîtrise des comptes publics, mais dans la durée. Le déficit budgétaire est ainsi passé d’un pic de 12,9 % du produit intérieur brut (PIB) en 2009 à un peu moins de 7 % en 2013. Les affrontements entre démocrates et républicains ont certes conduit à des coupes automatiques dans les dépenses publiques et à une austérité importante en 2013, mais l’accord budgétaire trouvé en décembre dernier entre les deux grands partis va permettre de relâcher l’austérité en 2014 et 2015. Il leur reste à finaliser d’ici à la fin février un autre compromis sur le relèvement du plafond autorisé pour la dette publique.

Du côté de la politique monétaire, la banque centrale américaine a apporté un large soutien à l’économie. Elle l’a fait grâce à des mesures conventionnelles (la baisse à zéro de son taux d’intérêt directeur, celui auquel elle prête aux banques) et par des interventions non conventionnelles : l’achat de titres de la dette publique et de titres de créances hypothécaires, ce qui a permis de maîtriser les taux d’intérêt à long terme, et donc le coût d’emprunt de la dette publique et celui des investissements immobiliers. La banque centrale a commencé à réduire ses achats, mais elle a indiqué qu’elle conserverait des taux d’intérêt bas tant que le chômage n’aura pas franchement reculé, confirmant son objectif prioritaire de rétablir la santé de l’économie réelle.

Maîtres des savoirs et des brevets, les Etats-Unis sont aussi à la tête d’un empire informationnel : il s’étend des données collectées sur nos préférences individuelles par Google ou Amazon aux statistiques professionnelles, comme les données financières aux mains des Bloomberg, Thomson Reuters, Standard & Poor’s, Dow Jones, etc., qui font payer de plus en plus cher l’accès à leurs informations. L’affaire Edward Snowden et les révélations sur l’espionnage spectaculaire mis en oeuvre par la NSA ont illustré cette domination américaine incontestée . Les Etats-Unis disposent donc d’un leadership dans le monde de la finance, de la high-tech et des savoirs, qui leur assure pour de longues années encore une position dominante dans l’économie mondiale.

  • 1. Mais il ne faut pas aller trop loin dans l’interprétation de ces chiffres, car une bonne partie est à destination des paradis fiscaux et ne correspond pas à une stratégie productive et commerciale internationale réelle.

À la une

Laisser un commentaire
Seuls nos abonnés peuvent laisser des commentaires, abonnez-vous pour rejoindre le débat !