Le piège du crédit revolving

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Complexité de l'offre et conditions d'octroi douteuses, le crédit revolving est l'un des principaux chemins vers le surendettement. Des pratiques qui devraient faire très bientôt l'objet d'une nouvelle loi .

Besoin d’argent rapidement ? ", " Augmentez votre pouvoir d’achat ", " C’est le moment de financer toutes vos envies ! " Les slogans des offreurs de crédits revolving font tout pour faire croire aux consommateurs que le bonheur est dans le prêt. Et de nombreux acteurs participent à cette activité fort peu socialement responsable : les crédits revolving (crédits renouvelables, en français) sont distribués par les banques, des établissements de crédit spécialisés (Cetelem, Sofinco, Cofinoga, etc.) et des distributeurs (Auchan, Darty, Ikéa...). Ils permettent à l’emprunteur de disposer très rapidement d’une somme d’argent qu’il peut dépenser à sa guise. Et le volume de crédit disponible se reconstitue au fur et à mesure des remboursements effectués.

Mais cette liberté de dépenser est chèrement acquise : les taux d’intérêt varient de 15 % à 20 % ! Alors que, du fait de la crise, les banques centrales arrosent les institutions financières d’argent à des taux d’intérêt quasiment nuls. Or, si les crédits revolving ne représentent que 21 % du volume total des crédits à la consommation accordés aux ménages, ce sont les personnes aux bas revenus qui y ont principalement recours. Car elles sont attirées par la faiblesse des mensualités. Mais celle-ci a un revers : l’allongement de la durée de remboursement. Compte tenu du niveau des taux pratiqués, le capital n’est remboursé que très lentement, puisque l’essentiel des mensualités sert à payer des intérêts. De quoi constituer une quasi-rente pour les établissements prêteurs, pour lesquels le crédit revolving est très profitable en dépit du risque de défaut d’une partie des emprunteurs. Cette rente devient même permanente lorsque le client décide de réutiliser sa " réserve d’argent ". Ce qui peut rapidement se traduire par une situation d’endettement permanent qui tourne vite au surendettement. Des spirales d’autant plus fréquentes que les établissements de crédit poussent au crime en multipliant les propositions alléchantes, notamment via Internet : taux promotionnels (pour quelques mois seulement), rien à rembourser pendant les trois premiers mois, etc. Difficile de résister dans une société où tout pousse à consommer.

Face à ces dérives et aux critiques des associations de consommateurs, le gouvernement profite d’un projet de loi, initialement destiné à transposer une directive européenne visant à harmoniser les pratiques dans l’Union, pour inclure de nouveaux éléments d’encadrement du crédit à la consommation et, par voie de conséquence, du crédit revolving. Un texte actuellement en examen au Parlement.

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La majorité des 44 établissements de crédit spécialisés recensés en France sont détenus par les grandes banques. BNP Paribas, le Crédit agricole, la Société générale et le Crédit mutuel (qui vient de racheter récemment Cofidis et Monabanq) se partagent le gros du marché.

Les principaux acteurs du crédit à la consommation en 2009

Les cinq établissements de crédit spécialisés qui détiennent les plus gros encours (Cetelem, Cofidis, Finaref, Laser Cofinoga et Sofinco) représentent la moitié du marché. Ces établissements ont créé des sociétés communes avec les distributeurs qui proposent du crédit revolving.

Complexité et opacité

" Le crédit à la consommation est un outil utile et il n’est pas question de le remettre en cause ", observe l’association de consommateurs CLCV. Il permet de disposer tout de suite d’un bien grâce à une avance de revenu. Il serait même plutôt souhaitable de le soutenir en période de crise, alors qu’il s’est essoufflé depuis fin 2008. " Le crédit à la consommation doit cependant être proposé dans des conditions qui permettent au consommateur de faire le choix le plus adapté à sa situation et à ses besoins ", précise l’association. Or le crédit revolving, tel qu’il existe aujourd’hui, ne satisfait pas à ces exigences.

" Le problème essentiel, c’est la mauvaise information ", souligne Alain Bernard, responsable de l’emploi et de l’économie solidaire au Secours catholique. Les offres sont souvent complexes à décrypter. " Or ces crédits concernent souvent des personnes qui ont un faible bagage culturel et éducatif ", poursuit-il. Les établissements spécialisés réduisent au minimum le conseil : ils se contentent d’appliquer une procédure automatisée via des logiciels de scoring qui évaluent le risque. Dans les magasins, les conseillers sont en général les vendeurs eux-mêmes, qui ont tout intérêt à réaliser leur vente, quitte à pousser le consommateur à souscrire un crédit non adapté à sa situation. D’autant plus qu’ils touchent parfois des commissions pour l’octroi d’un crédit supérieures à celles pour la vente d’un bien. La CLCV demande à ce titre que soit introduite dans le projet de loi en examen l’interdiction du commissionnement des vendeurs sur la vente d’un crédit.

Par ailleurs, dans une enquête publiée en mai 2008, le magazine 60 millions de consommateurs constatait que 54 % des demandes effectuées dans des grands magasins ont été acceptées malgré un fort endettement préalable des demandeurs. Et que 41 % des vendeurs n’avaient posé aucune question sur l’existence de crédits en cours. Le projet de loi actuel prévoit à cet égard l’obligation pour les prêteurs de vérifier la solvabilité des emprunteurs, notamment en consultant le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) de la Banque de France.

Les associations de consommateurs dénoncent aussi une confusion entre la carte de fidélité et le crédit revolving. Achetez par exemple une carte " Adhérent Fnac 3 ans " en ligne pour cumuler des points de fidélité, elle contiendra aussi un crédit renouvelable appelé " facilité de paiement ", utilisable au moment des achats. Les associations demandent donc que soit interdit de coupler l’adhésion à un programme de fidélisation, souvent via une carte, à l’ouverture d’un crédit.

Elles exigent également une information plus claire des consommateurs. Pourtant, la législation française sur le crédit à la consommation, et particulièrement en matière de publicité, est déjà une des plus avancées d’Europe. Il est ainsi interdit de suggérer que le prêt permet une augmentation de ressources sans expliquer que cela nécessite une contrepartie financière. De même, il est obligatoire de mentionner la nature du prêt, par exemple un crédit renouvelable. " La première des choses serait d’appliquer ces textes ", souligne Frédérique Pfrunder, chargée de mission à la CLCV. Mais l’on pourrait aussi renforcer la législation, par exemple en encadrant davantage les taux promotionnels ou en imposant une meilleure lisibilité des textes publicitaires. Des mesures dans ce sens devraient être inclues dans le projet de loi. Celui-ci devrait également intégrer une réforme du taux d’usure, le taux maximum auquel les prêts aux particuliers peuvent être souscrits, très élevé, surtout pour les crédits renouvelables portant sur des sommes réduites (plus de 21 % actuellement).

Responsabiliser les établissements de crédit

L’idée d’une responsabilisation des acteurs fait donc de plus en plus son chemin. Régulièrement montrés du doigt par les associations de consommateurs, certains établissements, à l’instar de Laser Cofinoga ou de Sofinco, plaident eux-mêmes en faveur d’un cadre légal global et renforcé du crédit à la consommation qui ferait notamment supporter le défaut de remboursement par l’établissement qui a accordé le crédit de trop à un ménage déjà fortement endetté. De quoi pénaliser les concurrents qui prennent trop de risques et accorder de meilleures conditions aux emprunteurs solvables.

" L’élargissement du crédit peut se faire si l’on a une meilleure connaissance des situations des individus ", affirmait Philippe Lemoine, président de Laser Cofinoga, lors d’une conférence organisée début 2009. Et de plaider en faveur d’un fichier " positif " qui compilerait des informations sur l’identité et la situation financière des individus. La création d’un tel fichier, qui existe notamment en Belgique, fait débat en France. Certains pensent que ce serait un moyen d’élargir l’accès au crédit ; d’autres redoutent qu’il ne soit utilisé à des fins marketing et qu’il porte atteinte aux libertés individuelles. Prêter mieux sans prêter moins : les différents acteurs semblent d’accord sur l’objectif. Reste à savoir comment il sera traduit dans les textes et, surtout, dans la réalité.

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