La France en crise

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Le fameux modèle social français a contribué à atténuer les effets de la crise sur la population. Reste que l'emploi en sort sinistré, en particulier dans l'industrie.

Le fameux modèle social français a contribué à atténuer les effets de la crise sur la population. Reste que l’emploi en sort sinistré, en particulier dans l’industrie.

Dans la violente crise qui frappe tous les pays développés, la France paraît un peu moins mal lotie que la plupart de ses voisins. Rien cependant qui justifie de grands cocoricos : comme ailleurs, la récession est profonde dans l’Hexagone et le chômage monte en flèche. Mais les effets de la crise y sont quand même un peu moins marqués, grâce notamment à une consommation qui ne fléchit pas. Alors que les pays qu’on nous avait régulièrement cités en modèle ces dernières décennies (l’Amérique de la high-tech, le tigre celtique irlandais, l’industrieuse Allemagne, le Royaume-Uni libéral ou la dynamique Espagne post-franquiste) traversent tous une passe très difficile.

Le modèle français fait de la résistance

Ce modèle français si décrié aurait-il donc finalement quelques vertus insoupçonnées ? La croissance de l’économie hexagonale apparaît rétrospectivement plus équilibrée que celle de ses voisins. Elle reposait moins sur l’endettement effréné des ménages que celle du Royaume-Uni, de l’Irlande ou de l’Espagne. Aussi échappe-t-elle à la difficile phase de désendettement à l’oeuvre dans ces pays. Mais elle dépend également moins des marchés extérieurs que la très extravertie économie allemande. Les exportations ne représentent en effet en France que 23 % du produit intérieur brut (PIB), moitié moins qu’en Allemagne. Aussi la France a-t-elle moins pâti de la contraction du commerce mondial que sa voisine d’outre-Rhin.

Variation annuelle du PIB, données trimestrielles, en %

D’autres caractéristiques structurelles contribuent à expliquer la relative résilience de l’économie hexagonale. Le poids important des mécanismes de redistribution participe à la stabilisation des revenus en ces temps difficiles. Le dynamisme démographique soutient la consommation des ménages et la demande de logements.

Mais le recul de 2,3 % du PIB en 2009 a beau être moins important que chez tous nos grands voisins, il n’en constitue pas moins la pire récession que la France a connue depuis la Seconde Guerre mondiale. En 1975, après le premier choc pétrolier, le PIB n’avait diminué que de 1 %, et il n’avait reculé que de 0,9 % lors de la dernière récession en date, en 1993.

Croissance de la consommation privée, en variation annuelle, en %

L’emploi industriel sinistré

Les effets de la crise actuelle sur l’emploi, et donc sur le chômage, n’ont pas d’équivalent dans les récessions précédentes. Le solde des créations et des suppressions de postes de travail avait déjà été négatif de 37 000 en 2008. En 2009, on en aurait perdu 378 000, selon les dernières estimations de l’Insee, soit une baisse de l’emploi de 1,8 % en deux ans. Un niveau très supérieur à celui qui avait été enregistré en 1993 (- 215 000) ou encore en 1984 (- 268 000), les deux précédents records en la matière.

Sans surprise, c’est d’abord dans l’industrie que ce recul a été le plus massif, avec 269 000 emplois supprimés entre début 2008 et fin 2009. Soit une baisse de 7,7 % sur des effectifs pourtant déjà fortement comprimés au cours des années précédentes. Et encore ce décompte n’inclut-il pas la suppression des emplois d’intérimaires travaillant dans l’industrie. Surtout, ce qui ne rassure guère, c’est que la tendance ne faiblit pas : l’Insee estime que 90 000 emplois industriels ont été perdus au second semestre 2009 et que 63 000 devraient encore disparaître pendant le premier semestre 2010.

Evolution de l’emploi par secteur de 2008 à 2009 et perspectives pour 2010

Des effets irréversibles

La crise porte ainsi un coup extrêmement dur à une industrie française déjà en perte de vitesse. L’industrie manufacturière, qui fournissait un quart du PIB en 1960, n’en représentait plus que 12,1 % en 2007. Une division par deux, même si les progrès de l’externalisation et de l’intérim amènent à relativiser cette chute. C’est aussi quasiment la moitié du poids de l’industrie dans le PIB allemand. En Europe, il n’y a qu’en Lettonie et en Grèce où ce poids est inférieur. La crise accélère la désindustrialisation de la France, comme l’illustre le décrochage spectaculaire de la production industrielle. A son point bas d’avril 2009, celle-ci était retombée à son niveau de 1994 ! Un tel recul de la production entraîne des destructions de capital humain et de capital physique, la disparition de savoir-faire et de relations commerciales sans doute en partie irréversible. Il est à craindre que la crise emporte des pans entiers de ce qui reste du tissu industriel français.

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