Les mauvais coups des produits dérivés

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S'ils ont une utilité certaine, les produits dérivés comportent aussi des risques. Les encadrer semble désormais nécessaire.

Crise mexicaine en 1994, crise asiatique en 1997, quasi-faillite du fonds spéculatif américain LTCM en 1998, affaire de la Société générale, faillite de Lehman Brothers, la liste des crises financières d’importance où sont impliqués les marchés de produits dérivés ne fait que s’allonger. Une implication d’autant plus étonnante que ces instruments financiers ont été inventés pour se protéger des variations inattendues du prix des matières premières ou du cours des actions, des taux de change, des taux d’intérêt, etc.

Acheter un produit dérivé donne en effet la possibilité d’acheter ou de vendre un actif dit sous-jacent (action, devise, pétrole...) à une date ultérieure, mais à un prix fixé aujourd’hui. Ainsi, une compagnie aérienne peut acquérir le droit d’acheter du pétrole en septembre prochain à un prix fixé aujourd’hui ; elle ne se fera donc pas surprendre en cas de hausse inopinée du prix du baril. En face, il y a bien sûr un investisseur qui prend le risque qu’en septembre, le prix auquel il s’est engagé à livrer le pétrole soit inférieur au prix du marché auquel il devra l’acheter pour le livrer et qu’il en soit de sa poche. Mais c’est le jeu.

Montants des contrats sur les marchés de dérivés peu contrôlés, en milliards de dollars

Les produits dérivés sont donc utiles, car ils permettent à de nombreux acteurs économiques d’éviter de prendre des risques en les transférant à d’autres acteurs qui les assument. C’est là qu’entre en jeu le spéculateur. C’est quelqu’un qui accepte de prendre le risque de garantir un prix dans six mois, en pariant qu’il arrivera à acheter ce qu’il doit fournir moins cher que le prix de vente qu’il a promis. Le pari peut être très risqué, mais il peut aussi rapporter gros. On dit que le spéculateur donne de la liquidité au marché dont il permet l’existence. C’est l’aspect positif de ces paris.

Mais ils introduisent également plusieurs fragilités. Ils mobilisent ce qu’on appelle l’effet de levier , c’est-à-dire la possibilité de prendre beaucoup de paris en ayant peu d’argent à soi, l’essentiel étant emprunté auprès des banques, quand elles ne jouent pas elles-mêmes le rôle du spéculateur, attirées par des perspectives de profits élevés. Jusqu’au jour où la spéculation échoue. Et là, non seulement le spéculateur a des problèmes, mais aussi toutes les banques qui lui ont beaucoup prêté. Et si ce sont les principales banques du pays, c’est toute l’économie qui se retrouve en danger. Le spéculateur a ainsi introduit le risque systémique , la possibilité qu’une crise locale devienne une crise généralisée.

Dans la crise, les banques commerciales, les banques d’affaires, les assureurs, les fonds spéculatifs, les fonds de pension, etc., tous les grands acteurs financiers ont pris des paris risqués en jouant sur les marchés de dérivés. Et ils ont beaucoup perdu. D’où, parmi les propositions politiques discutées actuellement, la nécessité d’encadrer ces marchés.

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