Une périlleuse sortie de crise

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Mises sous perfusion monétaire et budgétaire, les économies semblent se refaire une santé. Mais le sevrage s'annonce très délicat.

Le malade semble tiré d’affaire. Pendant une année et demie, il s’était laissé dépérir ; le voilà qui reprend des forces. Depuis le second semestre 2009, l’économie mondiale est sur la voie de la reprise. Les marchés financiers ne sont plus tétanisés par la panique, les banques se refont une santé, les échanges internationaux reprennent et l’activité redémarre enfin. La croissance est positive en France et en Allemagne depuis le deuxième trimestre 2009, et depuis le troisième dans la zone euro dans son ensemble et aux Etats-Unis. Mais ces quelques bons chiffres se détachent sur un fond toujours sombre.

Le niveau de la production demeure nettement en deçà de celui d’avant la crise. Ainsi, en décembre dernier, la production industrielle française était retombée à son niveau du début de l’année 1997, en retrait de 17 % par rapport à son pic d’avril 2008. L’activité est donc très loin d’avoir retrouvé son régime de croisière. Les entreprises n’utilisent que partiellement leurs capacités de production et diffèrent leurs investissements. Du coup, elles continuent de détruire des emplois.

Des performances fragiles

Ces performances fragiles sont celles d’économies sous perfusion. Sous perfusion de liquidités quasiment gratuites, fournies sans compter par les banques centrales. Sous perfusion aussi des milliards injectés en argent public par les Etats. Le traitement a sans doute permis d’éviter une dépression redoutable, mais ces remèdes de cheval ne peuvent être administrés trop longtemps sous peine de miner la confiance dans la valeur de la monnaie et dans la capacité de remboursement des Etats. Des effets secondaires apparaissent d’ailleurs déjà. Les liquidités surabondantes alimentent la spéculation et la formation de nouvelles bulles, sur les matières premières et les Bourses. Le creusement des déficits se traduit par une explosion des dettes publiques que certains Etats risquent de payer très cher. C’est pourquoi la grande question économique du moment est celle des stratégies de sortie. Autrement dit : comment mettre fin au dopage monétaire et budgétaire sans provoquer un sevrage trop violent qui tuerait dans l’oeuf la reprise ?

Les causes profondes perdurent

Plus de deux ans après le début de la récession, les causes profondes de la crise perdurent. La demande mondiale est toujours déséquilibrée. La sous-évaluation du yuan reflète la sous-consommation persistante des ménages chinois. Celle-ci durera tant que l’immense majorité de ce peuple sera privée de la plus grande partie des richesses qu’il produit. Au Nord, la situation des classes moyennes, dont les revenus stagnaient déjà avant la crise, s’est encore dégradée : leur patrimoine s’est en partie évaporé, leurs emplois sont détruits, leur rémunération stagne, alors que leur stock de dettes reste colossal. L’endettement public a pris le relais d’un endettement privé devenu insoutenable, mais le chemin d’une prospérité durable ne se dessine pas encore.

La finance n’est toujours pas bridée. Les principes édictés par le G20 mettront du temps à entrer en vigueur et rien n’assure qu’ils suffiront à remettre les banques au service du financement de l’économie. Enfin, l’économie mondiale est toujours à la merci de pénuries de ressources aussi fondamentales que l’alimentation ou l’énergie. Il ne faut pas oublier que l’envolée des prix des matières premières jusqu’à l’été 2008 a été le déclencheur d’une récession que la crise financière n’a fait qu’amplifier. La croissance n’a pas fini de venir buter contre la rareté des ressources naturelles.

Au total, les multiples facteurs qui ont donné naissance à la crise sont toujours là. Mais le monde qu’elle laisse n’est plus tout à fait le même. Les pays du Nord en sortent affaiblis et lourdement endettés. Les cartes passent dans d’autres mains. Celles des pays qu’on ne devrait plus appeler émergents, qui gagnent une place de premier plan, tant économique (ils pèseront la moitié du PIB mondial en 2014, contre le quart en 2000) que politique (à travers le G20). Et surtout entre les mains de la Chine, grande puissance qui ne pourra plus jouer longtemps la stratégie économique d’un petit pays exportateur.

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