Les banques renouent avec les profits, pas avec le crédit

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Les banquiers français renflouent leurs coffres grâce à de grosses marges réalisées sur les prêts accordés à leurs clients, mais aussi du fait de leurs gains sur les marchés financiers.

Les banquiers français ont le sourire. Normal : ils refont déjà des profits. Un an et demi après la chute de Lehman Brothers, qui a failli emporter tout le système bancaire mondial, voilà de nouveau les banques en train de gagner beaucoup d’argent. En 2009, les cinq grands réseaux bancaires que sont BNP Paribas, Crédit agricole, Société générale, Crédit mutuel-CIC et BPCE - le dernier-né, issu de la fusion entre les Banques populaires et les Caisses d’épargne le 31 juillet 2009 - ont engrangé ensemble 11 milliards d’euros de profits (soit le double de l’année précédente, mais la moitié de 2007). Ce qui leur a permis de rembourser sans attendre les aides reçues de l’Etat français 1.

Croissance du crédit en France, en glissement annuel, en %

Lorsque les banques ont reçu l’aide du gouvernement au moment le plus difficile de la crise, la seule contrepartie demandée a été qu’elles s’engagent à faire progresser leurs crédits à l’économie de l’ordre de 3 % à 4 %. Elles ne sont pas très loin du compte puisque l’encours de crédit au secteur privé a crû de 2,7 % entre décembre 2008 et décembre 2009. Ce chiffre masque cependant d’importantes disparités. En particulier, les crédits de financement de court terme s’effondrent (- 15 % sur un an en janvier 2010). On comprend pourquoi les faillites d’entreprises sont en hausse de près de 25 % sur un an, selon les données Coface, et pourquoi les PME, qui n’ont pas accès aux marchés de capitaux, se plaignent du comportement des banques.

Croissance du crédit en France, en glissement annuel, en %

Lorsque les banques ont reçu l’aide du gouvernement au moment le plus difficile de la crise, la seule contrepartie demandée a été qu’elles s’engagent à faire progresser leurs crédits à l’économie de l’ordre de 3 % à 4 %. Elles ne sont pas très loin du compte puisque l’encours de crédit au secteur privé a crû de 2,7 % entre décembre 2008 et décembre 2009. Ce chiffre masque cependant d’importantes disparités. En particulier, les crédits de financement de court terme s’effondrent (- 15 % sur un an en janvier 2010). On comprend pourquoi les faillites d’entreprises sont en hausse de près de 25 % sur un an, selon les données Coface, et pourquoi les PME, qui n’ont pas accès aux marchés de capitaux, se plaignent du comportement des banques.

Cette santé apparaît quelque peu insolente, alors que la reprise demeure bien timide et que le chômage continue d’augmenter. Comment font-elles pour dégager des résultats en croissance dans une économie atone ? Paradoxalement, elles y parviennent en faisant ce que l’on attend en priorité des banquiers : distribuer des crédits. Même si la croissance de leur activité s’est nettement ralentie avec la crise, les grandes banques n’en ont pas moins continué à financer les entreprises et les particuliers. Et ces financements ont été assurés dans des conditions bien plus rentables qu’avant la crise, ce qui joue très positivement sur leurs résultats.

Des marges confortables

Les établissements financiers empruntent de l’argent à court terme pour le prêter à moyen et long terme : plus l’écart de taux entre ce qu’elles empruntent et ce qu’elles prêtent est important, plus les crédits sont rentables. Or le taux au jour le jour sur le marché interbancaire se situe désormais entre 0,3 % et 0,4 %, contre 4,3 % en moyenne en septembre 2008. En revanche, confrontées à la nécessité d’apurer leurs pertes et au ralentissement de la croissance qui rend les crédits plus risqués (les entreprises peuvent disparaître, les individus perdre leur emploi...), les banques n’ont pas répercuté la baisse du coût de leurs ressources sur les taux auxquels elles prêtent. Leurs marges se sont donc considérablement gonflées. Et même si la distribution du volume de crédits augmente peu, la rentabilité des crédits a nettement progressé, faisant de l’activité classique de banquier la source des bons résultats de cette année.

Les banques ont également bénéficié d’un boom de leurs activités sur les marchés financiers. Ces gains ont été réalisés essentiellement en aidant les grandes entreprises à y lever des capitaux (ce qu’elles font massivement) et en intervenant plus activement sur les marchés de produits dérivés les moins risqués. De quoi mettre du beurre dans les épinards pour compenser leurs erreurs d’hier sur ces mêmes marchés.

Le poids des erreurs passées

Pourtant, en termes d’activité de marché, les banques paient encore la note de leurs erreurs. Elles doivent toujours " passer des provisions ", c’est-à-dire mettre de l’argent de côté pour faire face à la perte de valeur des actifs toxiques qu’elles détiennent dans leur bilan. Ces coûts n’ont pas fini de plomber leurs résultats. Ainsi, le rendement des activités de marché de la Société générale s’établit à 7 % pour le troisième trimestre 2009. On est loin des 40 % et quelques de la période d’euphorie... Au total, si l’on tient compte des pertes liées aux paris perdus en jouant avec leur propre capital et celles liées à des activités risquées dont elles sont en train de se débarrasser, l’ensemble des activités de marché joue négativement sur le résultat des grandes banques françaises. Sauf pour BNP Paribas : on disait, hier, qu’elle avait pris moins de risques que les autres dans la période euphorique, on en a aujourd’hui la confirmation dans ses comptes.

Les banques ne sont pas encore complètement tirées d’affaire pour autant. Selon les dernières estimations du Fonds monétaire international (FMI), qui concernent l’ensemble des banques de la zone euro, celles-ci n’ont pour l’instant comptabilisé que 40 % des pertes qu’elles devront finir par prendre en compte. De plus, si la reprise de la croissance tardait à venir, les banques seraient alors obligées de provisionner pour faire face à la montée des crédits non remboursés.

Zoom La très lucrative banque de détail

Les grandes banques françaises sont dites " universelles ", c’est-à-dire qu’elles développent leurs activités dans différentes sortes de métiers financiers (voir tableau).

Même dans les périodes où elles prennent trop de risques sur les marchés financiers, elles conservent une base solide grâce à leurs réseaux de distribution de crédits. La collecte de dépôts représente pour elles une ressource importante. Et la distribution de crédits peut s’avérer très rentable - du moins quand les banques étudient sérieusement les dossiers (ce qu’elles ont moins tendance à faire lorsqu’elles les transforment en actifs financiers pour les vendre grâce à la titrisation). C’est pourquoi elles cherchent à développer leurs réseaux à l’étranger, comme l’a fait BNP Paribas en rachetant Fortis ou comme le font pratiquement toutes les banques en développant leur présence dans les pays émergents.

En attendant, grâce à de grosses marges sur leurs clients et à des revenus tirés des marchés financiers, les banques sont en train de se refaire une santé. Espérons que cela leur permettra de baisser leurs taux et de s’engager plus fortement en faveur du financement de l’économie française quand celle-ci repartira.

  • 1. Sauf BPCE, dont le retour à des résultats positifs ne date que du 3e trimestre et qui a indiqué vouloir procéder à un remboursement progressif en 2010.

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