Pourquoi les banques rechignent à prêter

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L'incertitude conduit les banques à thésauriser leurs liquidités plutôt qu'à prendre le risque d'abaisser leurs ratios de fonds propres en accordant de nouveaux crédits.

Bientôt trois ans après l’éclatement de la crise des subprime, l’anémie du crédit constitue toujours un obstacle majeur au redressement de la demande intérieure dans les économies développées. Aux Etats-Unis, au Japon, dans la zone euro comme au Royaume-Uni, la croissance des crédits au secteur privé s’est effondrée en 2009, devenant négative sur douze mois au second semestre. Qu’il s’agisse des prêts immobiliers, des crédits aux entreprises ou à la consommation, les banques ont durci leurs critères de prêt. Au regard des moyens considérables mis en oeuvre par les banques centrales et les gouvernements pour rétablir les circuits de financement de l’économie, un tel constat a de quoi surprendre.

De nouvelles créances douteuses

Plusieurs facteurs expliquent la réticence des banques à prêter. Le premier a trait aux contraintes réglementaires. Les banques sont en effet tenues de limiter les crédits qu’elles accordent en fonction du niveau de leurs fonds propres. Sérieusement affaiblis par la crise, les ratios de fonds propres sur encours de crédits se sont redressés grâce au retour des profits et aux efforts de recapitalisation des banques, mais aussi à la contraction du crédit. Les banques répugnent toutefois à reprendre une activité normale de prêt tant qu’elles sont exposées à des pertes qui viendraient à nouveau entamer leurs capitaux propres.

Pertes et dépréciations d’actifs des banques, en milliards de dollars

Or les risques bancaires sont nombreux : de nouvelles créances douteuses apparaissent, générées par la récession, le niveau élevé du chômage, la crise qui sévit dans l’immobilier commercial ou encore la dépréciation des dettes de certains Etats européens. Dans son rapport d’octobre 2009 sur la stabilité financière globale, le Fonds monétaire international (FMI) évaluait à 1 300 milliards de dollars les pertes sur crédit ou les dépréciations d’actifs reconnues par les banques à l’échelle mondiale entre le début de la crise et la mi-2009. Le montant des pertes supplémentaires sur la période allant de la mi-2009 à la fin 2010 est évalué à 1 500 milliards. Sur la base d’un ratio de fonds propres définis au sens strict (capitaux apportés par les actionnaires et profits accumulés rapportés au total des actifs) de 4 %, les besoins de capitaux des banques jusqu’à la fin 2010 étaient estimés à 670 milliards, la majeure partie en Europe.

Taux de défaut sur les prêts accordés par les banques commerciales américaines, en %

La situation des banques européennes - zone euro, Royaume-Uni et Suisse - ne laisse pas d’inquiéter. Celles-ci n’ont en effet reconnu que 40 % des pertes et des dépréciations d’actifs évaluées sur la période 2007-2010 (contre 60 % pour les banques américaines) ; elles sont aussi fortement exposées aux risques liés à la crise des dettes publiques dans la zone euro (par exemple, près de 60 % des obligations émises par le gouvernement grec depuis 2005 sont détenues par des banques européennes). Disposant de moins de fonds propres que les banques américaines, elles sont plus sévèrement contraintes dans leur capacité de prêt, alors même que le financement de l’économie dépend pour les deux tiers du crédit bancaire en Europe, contre un tiers seulement aux Etats-Unis.

Enfin, les projets de refonte de la régulation financière contribuent aussi à dissuader les banques de reprendre leur activité de prêt. Au total, l’incertitude conduit les banques à thésauriser leurs liquidités sous forme de réserves à la banque centrale plutôt que de prendre le risque d’abaisser leurs ratios de fonds propres en accordant de nouveaux crédits. Les gouvernements ont beau exhorter les banques à prêter, ils n’ont pas réellement de prise sur leur politique de crédit. Faute d’en avoir pris le contrôle lorsque cela était possible, ils ne peuvent que s’en remettre à l’action des banques centrales, dont la préoccupation principale est désormais le resserrement de la liquidité. Difficile dans ces conditions d’entrevoir une reprise du crédit.

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