Vitré

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La zone de Vitré est portée par une dynamique que même la crise n'a pas démentie. Ce pôle industriel est un bel exemple de réussite du modèle breton, attirant nouveaux résidents et activités en nombre au cours des dernières décennies.

Le pays de Vitré était par le passé un territoire essentiellement agricole, marqué par l’exode rural dans les années 1960-1970 ", rappelle Pierre Méhaignerie, président de la communauté d’agglomération Vitré Communauté et du pays de Vitré. " Le destin de Vitré est étroitement lié à l’évolution de l’agriculture, avec la chute du nombre d’exploitations alors que la production augmentait ", précise Dominique de Legge, vice-président de la communauté d’agglomération en charge du développement économique. La Bretagne s’est en effet lancée dans l’agriculture productiviste au cours des années d’après-guerre. Dans le pays de Vitré, c’est surtout autour de l’élevage bovin, pour le lait et la viande, que cette mutation s’est effectuée. Les agriculteurs sont cependant encore nombreux, avec 2 700 emplois dans le secteur, soit 8 % du total, le double du taux moyen enregistré en province. Mais ces emplois sont en net recul, menacés notamment par les pressions sur le prix du lait.

Comme ailleurs en Bretagne, cette agriculture productiviste est venue nourrir une industrie agroalimentaire aujourd’hui très solide. Elle emploie 4 600 salariés avec, parmi les principaux employeurs, la SVA Jean Rozé (1 330 emplois) et Tendriade (460) pour l’abattage et la découpe de viande, ou, dans les produits laitiers, Lactalis (430). Le secteur se diversifie dans des produits à plus forte valeur ajoutée, comme les pains et les viennoiseries de Panavi (450 emplois) et Bryalis (160) ou encore les desserts Sojasun (120).

Un devenir industriel tardif

Malgré un démarrage tardif, Vitré accueille désormais des activités industrielles diversifiées. La chaussure et le textile y sont encore présents, avec une poignée de sociétés comme le fabricant de chaussures Noël (280 emplois) ; la sous-traitance automobile y est importante, avec Cooper Standard Automotive, fabricant de joint d’étanchéité (615 salariés). L’industrie locale a cependant connu des heures difficiles dans les années 2002-2005. Le choc le plus brutal a été la fermeture de l’usine Mitsubishi, qui a entraîné la perte d’un millier d’emplois. Le site, rebaptisé " Cap Bretagne ", accueille à nouveau plusieurs entreprises et, à contre-courant de la tendance nationale, l’emploi industriel y est en croissance, même s’il n’a pas encore retrouvé son niveau de 2002. L’électronique, surtout, s’est bien développée, autour de Thales Microelectronics (500 postes). La production de puces RFID (radio frequency identification, en anglais) est même devenue une petite spécialité locale, avec trois entreprises : Allflex, Oberthur Card Systems et Atlantic RF. Ces puces permettent de récupérer des données à distance par ondes, pour les cartes à puce sans contact ou le traçage des animaux.

La zone d’emploi de Vitré a profité sur ce plan de la proximité du pôle scientifique et industriel de Rennes, situé à 50 kilomètres à l’ouest. Un pôle constitué à la faveur de la politique d’aménagement du territoire mise en place dans les années 1950-1960 et visant à déconcentrer l’industrie - alors essentiellement francilienne - vers la province.

Ce mouvement a profité d’abord au sud et à l’est de la Bretagne. Proche de ce pôle, sur la route vers la capitale, Vitré était donc idéalement positionnée. " Quand la quatre voies vers Paris a été construite, nous avons financé des sorties pour desservir notre territoire et des zones d’activité, pour tirer profit de cet axe de passage ", insiste Dominique de Legge. Vitré Communauté est à l’origine de la construction de 35 bâtiments industriels et tertiaires en vingt ans. Ils ont facilité l’installation de nouvelles entreprises qui en sont locataires, avant, dans l’idéal, de les racheter.

Une capacité de rebond

Pôle le plus industriel de Bretagne (avec près de 11 100 emplois, soit 33 % de l’emploi de la zone, contre 17 % en moyenne dans les autres zones de province), le pays vitréen apparaissait a priori vulnérable à la crise. Il a pourtant fait montre d’une résistance étonnante. Il a même gagné près de 700 emplois en 2008 et 2009. Tout en restant à un niveau très faible (5,3 % au quatrième trimestre 2010, le minimum régional), le chômage a néanmoins augmenté de moitié entre le troisième trimestre 2008 et la fin 2009. Car certains secteurs ont été touchés : la construction et l’intérim en particulier, alors que l’agroalimentaire comme l’électronique ont bien résisté.

Les créations d’emplois en cette période difficile s’expliquent d’abord par des implantations d’entreprises du tertiaire, un secteur qui ne représente que la moitié des emplois (17 000), contre 72 % en moyenne en province. Prenant la mesure des risques liés à l’industrie, la communauté d’agglomération a construit deux immeubles de bureaux pour accueillir des entreprises de services. Un centre d’appels Webhelp s’y est installé, amenant 500 emplois. L’objectif pour la communauté, explique Dominique de Legge, est de " diversifier l’emploi et de répondre à la demande de postes dans ce secteur, en particulier pour améliorer le taux d’emploi des femmes ".

Vitré : taux de chômage au 3e trim. 2008* et au 4e trim. 2010, en %

Parallèlement à son développement économique, la zone d’emploi de Vitré a connu après la guerre une nouvelle vitalité démographique. L’image attractive de la région bretonne a fait venir de nombreux résidents et la localisation de Vitré, aux " portes de la Bretagne ", comme aiment à le rappeler ses élus, a joué. Depuis 1999, Vitré profite aussi de la périurbanisation : parmi les actifs arrivant dans la zone, beaucoup travaillent à Rennes, à 40 minutes en voiture, 30 minutes en TER ou 20 minutes en TGV. " Vitré attire aujourd’hui grâce à une offre d’emplois diversifiée, des logements à prix raisonnables et une qualité de vie notamment liée au développement du sport et de la culture que nous avons initié ", conclut Pierre Méhaignerie.

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