Les territoires résidentiels

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Les revenus du tourisme et les pensions des retraités ont en commun de provenir de l'extérieur d'un territoire pour nourrir des consommations essentiellement locales. Les territoires où ce type de ressources domine n'ont pas été épargnés par la crise.

Pour comprendre la notion de revenu résidentiel - ou présentiel -, rappelons que chacun d’entre nous, au fil de ses pérégrinations quotidiennes, hebdomadaires ou saisonnières, tend à dépenser son revenu hors du territoire dans lequel il le gagne. C’est particulièrement flagrant dans le cas du tourisme : nos dépenses touristiques pendant nos vacances irriguent des territoires dans lesquels nous ne produisons pas, puisque nous nous y déplaçons, par définition, pour nous y détendre. L’économie résidentielle est celle qui répond à ce type de besoins. Ce mécanisme de dissociation entre l’espace dans lequel est produit ce revenu et la localisation des lieux où il est dépensé, consommé, concerne d’autres logiques de mobilité, notamment celle des " navetteurs ", des personnes qui font chaque jour le trajet entre leur domicile et leur travail, dont la distance médiane s’établit à 7 km environ en 2008. Là encore, la part de l’économie liée à leurs dépenses est dite résidentielle. Enfin, la retraite représente un troisième type de dissociation : l’espace de financement des retraites est, par définition, national ; les territoires de dépense des pensions sont ceux où les retraités habitent et où ils consomment.

Jusqu’à 75 % des ressources de certains territoires

Cette économie résidentielle concerne l’ensemble des zones d’emploi, car elles sont toutes soumises à la dissociation entre origine des revenus et lieu de consommation. Ces ressources sont même majoritaires dans les revenus économiques au sein de nos territoires : elles en représentent en moyenne 53 %. Sur ce plan, l’écart entre territoires est réel, mais reste limité : ces revenus pèsent autour de 30 % là où cette économie est la moins représentée (Ile-de-France, Oyonnax, Toulouse, Lyon, Rennes, Bordeaux, Nantes) et plus de 75 % dans des territoires comme Briançon, Lourdes, Calvi-Ile Rousse, la Tarentaise... Au total, 54 zones d’emploi (sur plus de 300 en France) dépendent à plus de 60 % de revenus résidentiels.

Navettes, retraites, tourisme

En distinguant la nature de ces flux de revenus, on se rend compte que ces territoires présentent des profils assez différents. Certains dépendent d’abord du tourisme : entre 60 % et 68 % des ressources à Briançon, Lourdes, la Tarentaise ou Calvi. D’autres sont plus spécialisés dans les revenus des actifs allant travailler hors de leurs territoires de résidence : Altkirch (40 % des ressources), Saint-Louis (39 %), le Genevois français (38 %), Santerre-Oise (35 %)... D’autres, enfin, se spécialisent dans les retraites. Dans ce dernier cas, il s’agit en général de territoires déprimés, dans lesquels la spécialisation " retraite " résulte surtout du faible poids des autres ressources : Villeneuve-sur-Lot (33 % des ressources totales), Montceau-les-Mines (33 %), Argenton-sur-Creuse (32,5 %), Montluçon (32 %).

Le choc de la crise et le coût du transport

Face à la crise, les territoires résidentiels n’ont pas tous été en posture favorable. Les territoires " dortoirs " (où habitent des actifs qui travaillent ailleurs) enregistrent un choc important (le troisième en intensité, derrière les territoires sociaux et les territoires productifs). Ce sont surtout des territoires périurbains ou frontaliers comme Gisors, Santerre-Oise, Molsheim, le Genevois français ou Saint-Louis. Ils perdent tous des emplois dans des proportions significatives. Ainsi, entre les zones d’emploi d’Ile-de-France, les différences d’évolution du chômage dans la crise sont corrélées à la distance à Paris. Cela suggère que ce sont les emplois occupés par les actifs souvent modestes et vivant dans des territoires de faible accessibilité (et avec moins de liberté de changement de lieu d’emploi) qui ont le plus souffert. Et cela, dans un contexte d’augmentation prévisible des coûts de transport.

Les territoires dépendants des pensions des retraités enregistrent eux aussi une baisse de l’emploi plus rapide que la moyenne nationale. Ce sont pour la plupart des territoires d’accueil de retraités mais avec peu ou pas de touristes, c’est-à-dire des territoires faiblement dotés de facteurs d’attractivité : Dax, Coutances, Cosne-sur-Loire, Crest-Die, Ganges-Le Vigan, Saint-Girons... Les pertes d’emplois dans les secteurs industriels vulnérables n’y sont pas compensées par une économie dynamique de services à la personne.

Poids des revenus résidentiels dans les zones d’emploi en 2006, en %

Seuls ont été relativement protégés la trentaine de territoires résidentiels touristiques ou associant tourisme et retraites. Parmi ces zones d’emploi, 18 ont une évolution de l’emploi plus favorable que la moyenne nationale. A l’exception de Berck-Montreuil et de la Vendée-Ouest, elles se trouvent au sud : Porto-Vecchio, Calvi, Ghisonaccia, Briançon, Sartène-Propriano, Lannemezan, Lourdes, la Tarentaise... C’est le cas aussi de zones d’emploi correspondant à des villes importantes : Perpignan, Fréjus, Narbonne, Gap, Béziers... Les territoires les plus dépendants du tourisme voient cependant leur taux de chômage augmenter un peu plus qu’au niveau national. C’est le cas des territoires dont l’économie dépend davantage du tourisme marchand (en hôtels et campings) que des résidences secondaires (dont la fréquentation est moins élastique à la conjoncture) : on retrouve dans cette première catégorie 1 Lourdes (30 %), la Vendée-Ouest (29 %), la Tarentaise (29 %) ou la Maurienne (27 %).

Finalement, face à cette crise, les territoires résidentiels sont certes mieux protégés que d’autres (à part les territoires qui tirent des navetteurs leurs revenus, qui sont presque autant frappés que les territoires productifs), mais cette protection joue moins nettement que par le passé. Longtemps considérés comme des territoires " à l’abri " (de la concurrence, de la compétition mondiale, des délocalisations, etc.), ils sont désormais rendus vulnérables par les chocs subis par le tourisme et l’immobilier.

  • 1. Variations calculées entre le dernier trimestre 2008 et le dernier trimestre 2010.

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