Le pouvoir d’achat

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Depuis 1995, le salaire médian a pris la petite vitesse. Son pouvoir d’achat n’a progressé que de 5 % en quinze ans. Certes, le revenu salarial médian (celui effectivement perçu, compte tenu des temps partiels et des interruptions d’emploi) progresse davantage. Mais cela signifie que la " classe moyenne " salariée (la vraie, celle qui est au milieu et non parmi le dixième des salaires les plus élevés) voit ses emplois se " miter ", avec de plus en plus de temps partiels ou d’interruptions d’emploi (périodes de chômage notamment). Des situations jusqu’alors plutôt concentrées dans le bas de la distribution des salaires.

Prestations sociales et revenus de la propriété

Il n’y a cependant pas que le salaire pour faire bouillir la marmite. Dans des proportions variables, les ménages disposent aussi de prestations sociales (allocations familiales, retraites, assurance chômage), mais également, surtout pour les plus favorisés, de revenus de la propriété (mesurés " nets ", en retirant le montant des intérêts payés par les ménages endettés) et de revenus du travail indépendant. Ce qui, une fois déduits les impôts (sur le revenu, l’habitation et le patrimoine), forme le revenu disponible. Il est mesuré ici sans les " loyers imputés ", cet avantage en nature dont disposent les ménages qui n’ont pas de loyer à payer. Une fois enlevée la hausse des prix, la progression moyenne par ménage a été de 12 % en quinze ans : moins de 1 % par an (voir graphique page 89, en haut).

Evolution des dépenses pré-engagées et du revenu arbitrable, base 100 en 1995
Evolution du pouvoir d’achat du salaire à temps plein médian et du revenu salarial médian, base 100 en 1995

Et comme les dépenses " pré-engagées ", celles qui tombent chaque mois ou chaque année sans que le ménage puisse les modifier (loyer, eau, électricité, gaz, chauffage, abonnements téléphone, cantine, assurances...) augmentent plus vite que les autres, la progression de ce qui reste, le " revenu arbitrable " (mesuré en euros courants) est encore moindre. On comprend que beaucoup ont le sentiment que leur niveau de vie baisse. Et c’est parfois vraiment le cas, quand arrive un " accident de la vie " (maladie, séparation, chômage...).

Un salaire minimum trop répandu

P ar son niveau, le salaire minimum français fait plutôt bonne figure parmi les pays de l’Union européenne à 15 qui disposent d’un salaire minimum national (ce n’est pas le cas notamment de l’Allemagne ou de la Suède, où ce sont des négociations qui fixent le minimum salarial de chaque branche). Mais contrairement aux autres pays, le Smic concerne dans l’Hexagone une part élevée des salariés : un sur dix dans l’ensemble de l’économie. Et, dans certaines branches, cette proportion est bien plus forte. Ainsi, dans l’hôtellerie-restauration, 34 % des salariés étaient en 2011 payés au Smic horaire, un pourcentage qui montait à 57 % pour les salariés à temps partiel ! Ceux-ci sont soumis à la double peine : payés chichement à l’heure et pour un moindre nombre d’heures. Même si des heures supplémentaires ou l’indemnité de précarité due aux salariés en emploi temporaire (CDD et intérim), etc., peuvent s’ajouter au salaire de base imposé par le Smic, le temps partiel est un facteur essentiel de paupérisation salariale.

Evolution du pouvoir d’achat du revenu disponible moyen par ménage, base 100 en 1995
Evolution depuis 1995 du revenu disponible des ménages et de ses différentes composantes, en milliards d’euros courants

Depuis sa création, en 1951 (sous le nom de Smig, le g étant pour " garanti "), le pouvoir d’achat du Smic a été multiplié par 3,3. Il y a soixante ans, les salariés payés au Smig à temps plein avaient un pouvoir d’achat inférieur des deux tiers à celui du Smic d’aujourd’hui ! Mais le rythme s’est beaucoup ralenti depuis le début des années 1980. Entre 1999 et 2005 a été instauré un complément, différent chaque année (la " garantie mensuelle de rémunération ", ou GMR), au bénéfice des salariés passés aux 35 heures, pour qu’ils ne soient pas perdants (le Smic est un salaire horaire), le temps que la hausse annuelle du Smic permette d’effacer la différence. Depuis 2005, le niveau mensuel moyen de ce dernier, exprimé en euros de juillet 2011 pour éliminer les effets de la hausse des prix, a stagné, voire diminué, le gouvernement estimant que c’est à la négociation entre partenaires sociaux, et non à l’Etat, de fixer le niveau des bas salaires. Mais les employeurs font de la résistance : entre 2004 et 2008, le dixième le plus faible des salaires a connu une progression moyenne du pouvoir d’achat de 0,4 % par an.

Salaire minimum mensuel brut au second semestre 2011, en euros
Evolution du pouvoir d’achat du Smig, puis du Smic, base 100 en 1951
Evolution depuis 2008 de la part des salariés des secteurs concurrentiels concernés par une hausse du Smic, en %
Niveau du Smic mensuel depuis 2005, en euros constants 2011

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