Le partage de la valeur ajoutée
Si avec 50 euros de farine, d’électricité et de téléphone, le boulanger et ses salariés produisent pour 160 euros de pain, leur valeur ajoutée est de 110 euros. Et si la taxe professionnelle ampute cette valeur ajoutée de 10 euros, il reste 100 euros de valeur ajoutée " au coût des facteurs ". Là-dessus, quelle est la part des salariés ?
En France, jusqu’en 2008, avant la crise, elle s’établissait dans les entreprises (sociétés non financières, qui emploient 55 % des salariés) à environ 80 % de la valeur ajoutée " nette " (celle dont est déduit le coût du renouvellement des équipements usés ou obsolètes). La " bosse " de 1975-1983 (voir graphique ci-contre) a résulté du brutal ralentissement de la croissance économique de 1973 : on le croyait temporaire, et les salaires ont continué à progresser comme auparavant. Les années 1980 furent celles des désillusions, marquées par des licenciements massifs qui firent plonger l’emploi et ébranlèrent l’industrie. La gauche au pouvoir fit le " sale boulot " et fit revenir le partage au niveau de ce qu’il était avant la " bosse ". Et depuis, ce partage est stable. Le problème est que, à partir de 1990, une proportion croissante de la part du capital est distribuée aux actionnaires, qui sont à la fête pendant que les salariés sont à la peine en raison de la faiblesse de la croissance économique.
Une tendance majoritairement à la baisse chez nos voisins
Qu’en est-il ailleurs ? Dans une minorité de pays, la part des salaires dans la valeur ajoutée reste stable (au Royaume-Uni, avec des fluctuations) ou augmente (au Danemark et en Italie, dans ce dernier cas sans doute davantage en raison du " blanchiment " du travail au noir que par amélioration réelle). Et dans les autres pays, si on excepte les deux ou trois dernières années - car durant la crise, la valeur ajoutée des sociétés non financières a nettement plus baissé que la masse salariale distribuée -, la tendance est à la baisse, même parfois fortement : près de 10 points en Allemagne et en Autriche, 3 aux Pays-Bas, 2 en Belgique.