Made in Romans : paire de chaussures, carré d’emplois

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L'idée : faire de la coopération économique un moyen de relancer une fabrique de chaussures

Made in Romans est une marque de chaussures de qualité qui doit son existence à la force de la coopération économique. Cette fabrique a en effet été relancée grâce à l’implication du groupe Archer, un groupe qui a commencé par des activités d’insertion, avant de s’ouvrir au développement économique en relançant des activités et en sauvant des emplois. Cette capacité à entreprendre provient d’une organisation particulière du groupe : celui-ci associe un actionnariat dont l’ultime critère de sélection est d’évaluer ce que la nouvelle entité apportera aux hommes et au territoire.

Développement et perspectives

Made in Romans, c’est l’histoire qui finit bien d’une chaussure perdue. Voire de toute une industrie locale de la chaussure. Romans-sur-Isère fut longtemps la capitale de la maroquinerie et de la chaussure de luxe. Il ne reste plus rien ou presque de cette économie passée (un tanneur et deux marques de luxe), si ce n’est le traumatisme collectif de l’ultime fermeture en 2007 des usines de la marque Charles Jourdan qui condamna 300 salariés au chômage avant délocalisation.

Mais en 2011, Archer décide de relancer un atelier de confection. Le cuir sera acheté à la tannerie locale, les chaussures seront fabriquées par une dizaine de salariés dont d’anciens de Charles Jourdan. La chaussure de qualité et 100 % locale trouve très vite une clientèle. "Quand vous vous intéressez aux sinistres d’entreprise, en général, c’est pour voir quels sont les actifs qui restent à prendre. Nous, nous cherchons les compétences qui restent et qui permettraient de sauver au moins une partie de l’activité", explique Christophe Chevalier, le président du groupe Archer. Ce groupe d’entreprises orienté sur l’insertion sociale et professionnelle est devenu, au fil des années 2000, un acteur de la coopération économique territoriale.

Archer s’est en effet structuré pour reprendre des activités ou en créer d’autres sur la base de partenariats élargis avec le tissu des PME, les collectivités, les particuliers, afin de maintenir de l’emploi sur le territoire. La création d’une marque de chaussure relève du symbole. C’est le président du comité d’éthique du groupe Archer qui souhaitait voir racheter une ligne de montage de l’usine Jourdan avant qu’elle ne quitte le territoire pour un pays à bas coûts. Le sauvetage coûte cher : le rachat de la machine avoisine les 40 000 euros et l’activité demande environ 120 000 euros en besoin de fonds de roulement pour acheter les matières premières (et notamment le cuir). Il faut aussi aller chercher des salariés qui ont le savoir-faire, jusque parmi les retraités du métier. "C’est un investissement qui ne peut être rentable en deux ans", souligne Christophe Chevalier.

Cela tombe bien, la rentabilité à court terme n’est pas l’objectif des actionnaires de la société à actions simplifiée (SAS) Groupe Archer. La société rassemble 85 associés (particuliers, entreprises, association mère) qui sont d’accord pour investir dans un développement de l’emploi sur la zone. Deux ans après le lancement de la fabrique, les prévisions de production sont de 5 000 à 6 000 paires de chaussures fabriquées par an. Les débouchés sont principalement constitués par la sous-traitance pour des créateurs et la fabrication de la ligne Made in Romans, des chaussures vendues dans un réseau de boutiques et sur Internet. Le Boston Consulting Group, spécialiste du conseil en stratégie, a conduit une étude pro bono qui donne des résultats optimistes sur le long terme, du fait du positionnement sur un produit de qualité fabriqué en France. En résumé, "une forme d’industrie qui peut fonctionner, mais qui ne conviendra jamais à des investisseurs qui ne recherchent que le retour financier immédiat", conclut Christophe Chevalier.

L’organisation

A l’origine, Archer est une association d’insertion autour de laquelle va se constituer un ensemblier d’insertion. Aujourd’hui, l’association originelle est l’un des actionnaires de la SAS Groupe Archer, qui compte 85 actionnaires. Des entreprises, des salariés et des particuliers, qui ont pour point commun leur attachement au territoire de la Drôme du Nord.

L’impact global

Le groupe Archer est aujourd’hui l’un des principaux employeurs du bassin d’emploi. Il est présent sur des activités industrielles et de sous-traitance, et sur une dizaine de métiers au service de l’insertion (bâtiment, espaces verts, services aux entreprises). Plus de 1 000 personnes sont salariées dans le groupe pour 315 équivalents temps plein. L’activité de réinsertion a permis de remettre dans l’emploi plus d’un millier de personnes sur le territoire.

L’entreprise est parvenue à agréger autour d’elle tout un ensemble de structures de l’économie sociale et solidaire (banques solidaires, têtes de réseau régionales des Scop...) autour d’un projet de pôle territorial de coopération économique destiné à favoriser les dynamiques sociales et économiques.

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