Entretien

Le marché "circuit court" de Grabels

3 min
Yuna Chiffoleau sociologue, chargée de recherche à l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) et en charge du projet "marché circuit court"

Vous êtes partenaire d’un projet de marché "circuit court" expérimenté actuellement dans la ville de Grabels (Hérault). De quoi s’agit-il exactement ?

C’est un marché qui propose principalement, mais pas exclusivement, des produits issus de circuits courts, vendus par des producteurs ou des intermédiaires s’approvisionnant surtout auprès de producteurs. Le recours aux filières longues est possible mais il doit être justifié par le climat, un problème de production ou pour un complément de gamme difficile à produire localement (par exemple, le citron).

Le marché s’appuie sur une charte qui promeut les circuits courts, l’agriculture locale durable et les produits de saison. Plutôt que de définir a priori l’agriculture durable, le choix consiste à sélectionner en amont des exposants pouvant témoigner de pratiques allant en ce sens. L’enjeu est à la fois d’éviter la confusion fréquente entre circuits courts et agriculture biologique, et d’encourager la transition vers l’agriculture durable.

Le marché repose aussi sur un système d’étiquetage - l’élément le plus original - qui comprend trois couleurs d’étiquettes pour les produits bruts : verte lorsque l’exposant est le producteur ; orange lorsque le produit a été acheté directement à un producteur de la région que l’exposant connaît et dont il peut se porter garant ; violette lorsque le produit a été acheté hors circuit court et que l’exposant ne peut pas apporter de garantie supplémentaire à l’étiquetage classique.

Une marque collective, Ici.C.Local (pour "Innovation pour la coopération et l’information en circuit local"), vient d’être créée : elle témoigne de l’engagement des exposants, au-delà des produits proposés, et valorise la démarche participative qui associe les consommateurs. L’expérience est aujourd’hui développée à Grabels, dans l’Hérault, mais a vocation à s’étendre.

Pourquoi un tel marché ?

Le marché circuit court a été jugé plus réaliste qu’un marché 100 % bio, trop élitiste, ou un marché 100 % producteurs qui ne peut offrir qu’une gamme limitée de produits à certaines périodes de l’année.

Autre avantage, pédagogique cette fois : le marché permet au consommateur de prendre conscience de la réalité de la production. Pourquoi certains produits sont-ils parfois plus chers ? Le prix comprend une marge qui rémunère l’exposant ayant fait l’effort d’acheter à un producteur local. Les produits étiquetés en violet sont-ils indispensables ? En suscitant la réflexion, le marché se veut un encouragement à une alimentation plus durable.

L’objectif est aussi de renforcer les collaborations entre producteurs et intermédiaires, qui se voient parfois comme des concurrents, ainsi que la solidarité entre producteurs : un producteur peut compléter son offre avec des produits étiquetés en orange et soutenir ainsi un autre producteur qui n’a pas assez d’offre pour aller vendre au marché.

Quelles sont les garanties ?

Un comité de suivi tripartite (exposants, pouvoirs publics et consommateurs), accompagné par un chercheur de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), est chargé de veiller au respect des engagements de la charte. Il gère aussi les demandes d’adhésion et ajuste la charte en fonction de l’évolution des pratiques des exposants et des consommateurs. Les décisions finales restent du ressort du maire.

Propos recueillis par Céline Mouzon

À la une

Laisser un commentaire
Seuls nos abonnés peuvent laisser des commentaires, abonnez-vous pour rejoindre le débat !