Un autre tourisme est-il possible ?

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Temps des vacances, temps de l'insouciance et du voyage... Mais le tourisme n'est pas qu'escapade. Les enjeux - économiques, sociaux, écologiques - sont multiples. Et les consommateurs peuvent faire des choix plus responsables que d'autres.

Près de 800 milliards d’euros, soit 9 % du produit intérieur brut (PIB) de la planète : c’est le chiffre d’affaires du tourisme mondial en 2011. Plus d’un milliard de personnes ont voyagé hors de leur pays d’origine en 2013, selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT). C’est 5 % de plus que l’année précédente et quarante fois plus qu’en 1950.

Mais le tourisme génère des inégalités. Il n’entraîne pas beaucoup en tant que tel, notamment au Sud, le développement économique des pays visités : en moyenne, 70 % du prix d’un séjour en forfait tout compris en Thaïlande revient en Occident. Ce phénomène de fuite s’explique par la nécessité, pour les pays en développement, d’importer les biens nécessaires à l’accueil des étrangers et qu’ils ne produisent pas eux-mêmes. S’y ajoutent des effets déstructurants sur les sociétés d’accueil, comme l’accroissement des inégalités économiques et l’exacerbation des trafics, ainsi que des impacts sur la nature : pollution liée au transport ou présence, massive ou périodique, de visiteurs qui mettent en danger l’équilibre des écosystèmes, la faune et la flore.

Même s’il n’y a pas de tourisme parfait - le seul moyen de n’avoir aucun impact serait de ne pas partir -, un tourisme responsable est possible. Responsable... ou social, durable, éthique, équitable, solidaire ? Difficile de s’y retrouver devant la multiplication des dénominations et des offres ! Si les premiers "villages intégrés" apparaissent en Casamance, au Sénégal, dans les années 1960, afin de faire découvrir la réalité de la vie locale aux touristes du Club Med, le tourisme responsable, selon la dénomination majoritaire en France, n’émerge officiellement qu’en 1992, lors du Sommet de la Terre à Rio, qui pose les bases d’un tourisme durable (sustainable tourism en anglais). Parmi les critères posés par l’OMT figurent l’exploitation durable des ressources, le respect des communautés d’accueil et un échange économique équitable. Mais cette exigence - qui passe sous silence le fait de permettre à tous de partir en vacances - recouvre bien des réalités, du séjour chez l’habitant dans une yourte en Mongolie à l’organisation de vacances accessibles aux personnes handicapées, en passant par le circuit cyclotouristique en camping dans l’Hexagone.

Zoom Compenser ses émissions de CO2, mode d’emploi

Parallèlement au marché de la compensation carbone pour les entreprises, il existe un marché pour les particuliers. Celui-ci leur permet, par exemple, de compenser les émissions de CO2 dues à un trajet qu’ils ont effectué en avion. Le principe consiste à financer un projet qui diminue les émissions de gaz à effet de serre (reforestation, biogaz, cuiseurs économes...) à hauteur des émissions provoquées par ce voyage.

Concrètement, il faut s’adresser aux associations (CO2 Solidaire, Action carbone) ou aux sociétés (EcoAct) qui proposent l’achat de crédits carbone. Une fois calculée la quantité de CO2 émise, le montant en tonnes équivalent CO2 est converti en euros. La somme est ensuite attribuée à un projet choisi par le donateur. EcoAct achète des crédits carbone à des projets déjà existants pour les revendre en prenant une commission. A l’inverse, CO2 solidaire ou Action carbone vendent des crédits directement, en étant porteurs de projets. Mais la compensation ne sert parfois qu’à se donner bonne conscience, que ce soit au niveau des individus ou des compagnies aériennes. Car compenser, c’est bien, mais réduire, c’est mieux !

Adapter son voyage

Comment s’assurer que l’impact négatif de ses vacances reste limité ? En termes environnementaux, prévoir des distances courtes est la meilleure solution. Privilégier les modes de déplacement les moins polluants est certes une idée louable, mais l’avion reste difficile à contourner pour qui veut partir à l’autre bout du monde. La compensation carbone (voir encadré page 93) est un moyen de se donner bonne conscience, mais elle ne diminue pas en tant que telle les émissions de CO2 liées au transport aérien.

Le tourisme de proximité pratiqué dans un cadre associatif, comme les campings membres de la Fédération française de camping et caravaning (FFCC) ou les villages de vacances associatifs, permet quant à lui de garantir non seulement un impact environnemental plus faible, mais aussi des retombées économiques pour les habitants des zones visitées. En France, ces modes d’hébergement associatifs sont souvent membres de l’Union nationale des associations de tourisme (Unat), qui promeut l’accès du plus grand nombre aux vacances dans des conditions qui favorisent le développement local. Ces villages sont parfois les premiers pourvoyeurs d’emplois salariés dans la localité. Autre solution d’hébergement, l’agritourisme, qui consiste à loger dans des fermes ou des gîtes dans les zones rurales, et permet aux agriculteurs de diversifier leurs revenus (réseau Accueil paysan...).

En termes d’activité, les 180 000 kilomètres de chemins entretenus par la Fédération française de randonnée pédestre ou les 48 parcs naturels régionaux (Perche, Causses du Quercy...) et les 10 parcs nationaux permettent de concilier vacances au vert et vacances vertes. Des séjours peuvent être organisés par l’intermédiaire d’une association, comme RandoPays, membre de l’association Voyageurs et voyagistes écoresponsables (VVE), ou la Fédération française de cyclotourisme, pour les circuits de randonnée cyclotouristique.

Quelles garanties ?

Au-delà de ces grosses structures nationales, de nombreux labels et chartes tentent d’orienter le touriste soucieux de vacances responsables. Une profusion... source de confusion ! Le site DestiNet.eu, animé par une organisation non gouvernementale (ONG) allemande, liste plus de 200 certifications différentes en Europe. Ecolabel européen, certification EarthCheck délivrée par l’Afnor, certification Green Globe délivrée par un cabinet d’audit, mais aussi labels privés comme les Gîtes Panda, situés dans les parcs naturels régionaux..., tous ces logos portent en fait sur l’hébergement et valident de bonnes pratiques environnementales (consommation d’énergie et d’eau, réduction et tri des déchets). Autrement dit, la partie la plus facile à certifier du tourisme responsable. Les professionnels du tourisme y prêtent d’autant plus attention qu’ils font ainsi d’une pierre deux coups : ils verdissent leur image tout en faisant des économies. Pourtant, un hôtel peut afficher des pratiques vertueuses après avoir dévasté une zone naturelle pour s’implanter...

Si l’impact environnemental de l’hébergement est le plus en pointe, c’est aussi qu’il est compliqué de garantir comme responsable le voyage en tant que tel. Des retombées économiques qui profitent aux populations locales, en France ou ailleurs, sont difficiles à labelliser. Ceux qui voyagent par eux-mêmes peuvent privilégier les produits locaux, des souvenirs à la restauration. Avec cette mise en garde, relevée par le Crédoc1 : le touriste avide d’artisanat local marocain peut en réalité acheter des babouches... fabriquées à bas coût en Chine.

Le recours aux voyagistes responsables permet parfois de surmonter cet écueil. S’inspirant des principes du commerce équitable, l’Association pour le tourisme équitable et solidaire (Ates) regroupe une vingtaine de voyagistes qui redistribuent entre 3 % et 6 % du prix du voyage à des projets de développement gérés par les populations locales (plantation d’argousiers en Mongolie, etc.). Le système de garantie est participatif et repose sur un référentiel de 56 critères qui portent sur le prix, l’environnement et les conditions de travail. Le réseau Agir pour un tourisme responsable (ATR) regroupe, lui, une dizaine d’entreprises commerciales et permet chaque année à 200 000 personnes de faire le choix de vacances responsables. Mais ces réseaux restent mal connus. Ils cherchent aujourd’hui à sortir de l’image qui leur est associée de tourisme humanitaire ou d’aventure, alors qu’ils proposent de plus en plus de séjours en Europe.

Le prix d’un tourisme responsable

Faut-il payer plus cher pour faire du tourisme responsable ? Pas nécessairement ! Gîtes, auberges de jeunesse et campings proposent des prix pour toutes les bourses. Reste à bien choisir la destination et la saison pour diminuer les coûts : campagne plutôt que mer en été ou montagne en hiver. Pour les voyageurs solo prêts à rogner sur le confort, le tourisme collaboratif permet de faire des économies : au-delà de la plate-forme Couchsurfing, des réseaux spécialisés existent, comme Warm Showers pour les cyclotouristes ou Pasporta Servo pour les tenants de l’espéranto. Et tout un pan du tourisme associatif a pour objectif de permettre l’accès aux vacances du plus grand nombre par des dispositifs financiers, pour les familles monoparentales, par exemple.

Quant aux voyages organisés à l’étranger, le tarif proposé par un voyagiste associatif est comparable à celui d’un tour-opérateur standard sur les destinations lointaines, où les prix sont plus difficilement compressibles... à moins de rogner sur les conditions de travail et le paiement des personnes sur place. Le tourisme solidaire et équitable, qui nécessite une organisation lourde des séjours en amont et garantit des bénéfices minimaux aux populations locales, est souvent encore plus cher. Mais si le tourisme responsable peut avoir un coût pour les vacanciers, le tourisme non responsable a un coût pour la planète et les pays du Sud.

  • 1. Voir "Le "tourisme durable" : l’idée d’un voyage idéal", octobre 2011.

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