Vers une panne des services ?

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Après la crise de l'industrie, la panne de création d'emplois dans les services alimente le chômage.

Entre 1950 et 2013, le nombre d’emplois a augmenté de 6,2 millions1, soit + 32 %. Au cours de la même période, le nombre de postes de travail a été multiplié par 2,6 (+ 160 %) dans les services marchands et non marchands, soit 12 millions de postes supplémentaires. A l’opposé, le secteur agricole n’a cessé de perdre de la main-d’oeuvre (5 millions d’emplois en moins sur la même période) et la construction a maintenu ses effectifs autour de 2 millions. L’industrie a stagné dans un premier temps, puis a connu un déclin marqué à partir des années 1970. Au total, 1,7 million d’emplois industriels ont disparu.

Nombre d’emplois total, en millions
Nombre d’emplois par secteur, en millions d’équivalents temps plein

La France s’est "tertiarisée" : au cours de la période, la part des services dans l’emploi total a doublé, de 40 % à 78 %. Le secteur agricole, qui faisait la spécificité de l’Hexagone, s’est presque éteint : il ne représente plus désormais que 3 % des emplois. L’industrie et la construction rassemblent un peu moins d’un cinquième du total. En observant l’évolution de l’emploi par secteur, on comprend beaucoup mieux les origines structurelles du chômage.

Les trois phases du chômage

A partir des années 1950, la France connaît une crise de l’emploi agricole considérable. En contrepartie, l’emploi industriel reste stable et l’essor des services comme le dynamisme de la construction alimentent la machine à emplois. Le chômage demeure contenu.

De 1975 à 2008, au déclin agricole s’ajoute celui de l’industrie. A l’époque, ce secteur regroupe 5,3 millions de postes et un quart de la main-d’oeuvre. Au milieu des années 2000, ce n’est plus que 3 millions et 11 % de l’ensemble.

Les services, même dynamiques, ne suffisent plus pour contenir la montée du chômage, sauf durant quelques courtes périodes, comme entre 1986 et 1990, puis surtout entre 1997 et 2002. Au cours de ces cinq années, 2,3 millions d’emplois supplémentaires sont créés dans le secteur tertiaire. Le chômage grimpe entre 1975 et 1985, puis oscille au gré des phases de reprise de l’emploi dans les services.

Zoom Peu de syndiqués en France

La France est un des pays riches qui comptent le moins de syndiqués rapportés à la population active : 8 %, contre une moyenne de 25 % dans l’Union européenne. Notre pays n’a jamais connu un taux de syndicalisation très élevé, mais la baisse de l’audience s’est faite au cours de deux grandes périodes. Dans les années 1950, le taux chute de 30 % à 17 %, puis il reste stable jusqu’à la fin des années 1970. Il redescend ensuite, pour atteindre 8 % au début des années 1990. Il stagne depuis. Cette faiblesse est un handicap en matière de dialogue social : la négociation s’en trouve déséquilibrée.

Cette situation est liée à de nombreux facteurs. Contrairement à bien d’autres pays, adhérer à un syndicat n’apporte pas beaucoup d’avantages en France, car ces derniers négocient pour tout le monde. Du coup, les non-syndiqués laissent les syndiqués défendre leurs droits. Etre syndiqué est même nuisible, dans certains cas, au parcours professionnel. Au fond, la place des syndicats ne dépend pas en France de leur nombre d’adhérents, mais des résultats aux élections professionnelles (délégués du personnel et comités d’entreprise). Le déclin des grandes entreprises industrielles, où étaient implantés les bastions syndicaux, la persistance d’un chômage de masse et l’émiettement syndical ont aussi joué, de même que la difficulté des syndicats eux-mêmes à s’adapter aux évolutions de l’emploi et de la société.

De 2008 à aujourd’hui, l’emploi agricole, tombé sous le million, se stabilise. Mais alors que le déclin industriel se poursuit, la crise touche les services. Ce violent choc dû à une double panne : un arrêt des créations d’emplois dans le secteur tertiaire marchand, mais aussi, pour la première fois depuis les années 1970, dans les services non marchands (Etat, collectivités locales, hôpitaux, etc.). Soixante ans après son amorce, la tertiarisation ne progresse plus. Dans un contexte de poursuite du déclin industriel, le chômage est à nouveau tiré vers le haut.

  • 1. On raisonne ici en équivalents temps plein, ce qui permet de ne pas intégrer l’effet du temps partiel. Deux mi-temps équivalent à un seul emploi.

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