GuestToGuest : une autre façon d’échanger sa maison

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Plutôt que de faire payer l'accueil d'étrangers chez soi ou d'imposer une réciprocité dans les échanges de maisons, le site GuestToGuest a développé une monnaie virtuelle.

Dans le petit monde de l’économie collaborative, il y a les stars et il y a les autres. C’est particulièrement vrai en matière de tourisme, notamment pour les logements de vacances. Et pourtant, si Airbnb occupe le devant de la scène grâce à un solide plan marketing et une communication bien huilée , nombreux sont les sites à proposer des alternatives correspondant à d’autres types de besoins. C’est le cas de GuestToGuest.

Des GuestPoints

Tout commence en 2011. "Mon associé a voulu partir à Florence via un site d’échange de maisons, relate Charles-Edouard Girard, actuel directeur général du site. Le problème, c’est que les Florentins étaient d’accord pour l’accueillir, mais n’étaient pas intéressés par sa maison. Or, à l’époque, l’échange impliquait automatiquement une réciprocité. Il s’est alors dit qu’il fallait inventer un autre système de fonctionnement. "

L’idée lui vient de créer une monnaie virtuelle, le GuestPoint, apportant souplesse et flexibilité à l’échange. Ainsi, quand un membre propose son logement sur le site, il l’évalue en fonction de sa taille, de son confort et de sa localisation (une maison en Normandie comprenant quatre couchages équivaut par exemple à 84 GuestPoints pour sept nuitées en moyenne). S’il trouve preneur, il bénéficie d’un crédit qui va lui permettre de se loger ailleurs pour un montant identique. A noter que le site donne des GuestPoints au démarrage (250 pour l’inscription, 500 en remplissant son profil, 50 si on parraine, 500 si on accepte que son profil soit vérifié...), permettant à tout un chacun de partir sans avoir accueilli déjà quelqu’un. En tout cas, dans un premier temps. Par ailleurs, s’il manque moins de 20 % de GuestPoints sur une location, il est possible d’en acheter pour 10 centimes l’unité1. Le but étant ici d’éviter qu’un échange n’ait pas lieu.

2 millions de maisons dans deux ans

La transaction est gratuite, l’entreprise, une société anonyme, se rémunère sur l’achat de services complémentaires tels que la caution et l’assurance, dont la souscription est obligatoire ou facultative en fonction du choix du propriétaire. Aujourd’hui, 20 % des échanges sont sans souscription de services annexes, 60 % comprennent l’assurance et 80 % la caution. L’entreprise perçoit 4 % sur le premier service et 3,5 % sur le deuxième (la société est inscrite à l’Orias, le registre des intermédiaires en assurance). Telle est la base de son modèle économique, à laquelle il faut ajouter l’autofinancement et une levée de fonds de 4 millions d’euros auprès de la Maif. Pas encore de quoi gagner de l’argent mais, selon Charles-Edouard Girard, le but premier n’est pas là : "Nous voulons avant tout que le site soit de plus en plus utilisé. Nous défendons la démocratisation de ce type d’échanges, plutôt réservés au départ à des gens aisés voyageant à l’international. Par exemple, nous favorisons les échanges régionaux France/France. Le premier poste dans un budget vacances, c’est le logement. La gratuité du système permet à des gens de partir et de se rendre en plus des services : arroser les plantes, nourrir un chat, etc. Ça a aussi un impact sur la diminution des cambriolages. Enfin, nous préférons contribuer à la rentabilisation de logements sous-utilisés plutôt qu’à la construction d’hôtels."

Augmenter le volume de transactions et les marges effectuées, c’est donc l’objectif pour assurer la rentabilité de l’entreprise. Selon GuestToGuest, 3 000 maisons étaient proposées il y a deux ans sur le site, elles sont au nombre de 152 000 aujourd’hui et l’entreprise, composée de 16 salariés, vise les 2 millions d’ici deux ans. Elle réfléchit par ailleurs à la mise en ligne de nouveaux services : selon Charles-Edouard Girard, les membres économisent entre 600 et 800 euros sur chaque voyage grâce à la gratuité du logement. De l’argent qui peut être utilisé pour des loisirs, des activités culturelles, etc. "Nous allons proposer à nos membres de déjeuner chez des voisins ou qu’une personne vienne faire à manger dans leur logement, ou encore mettre à disposition un guide qui leur fasse visiter le quartier où ils résident ou une femme de ménage, etc. Nous toucherions alors une commission", précise le directeur général.

Quant à la fiscalité, qui fait débat aujourd’hui au sein de l’économie collaborative, elle s’applique à la société mais pas aux transactions, qui ne génèrent pas de transfert d’argent. "La monnaie virtuelle étant cantonnée aux services proposés par GuestToGuest, elle n’est pas taxable. Et contrairement à d’autres sites, nous sommes très bien vus par les municipalités car les logements souvent vides pendant les vacances sont ainsi occupés par des personnes qui font vivre l’économie locale", avance Charles-Edouard Girard. Il ajoute : "Airbnb peut provoquer une inflation des loyers dans certaines villes, car de plus en plus de personnes professionnalisent le service, ce qui a pour conséquence, selon moi, de faire sortir ce site du secteur de l’économie collaborative. Notre état d’esprit est différent, il repose avant tout sur la notion d’hospitalité et de communauté."

Surfer sur un manque

GuestToGuest se positionne en effet comme un réseau social : les personnes accueillies deviennent virtuellement "amies" avec leurs hôtes, facilitant les liens et donc la confiance. Pour aller plus loin, le site a aussi mis en place des communautés ouvertes organisées autour de caractéristiques communes et qui facilitent des échanges entre personnes qui se ressemblent : la passion du jardinage, une bibliothèque fournie en bandes dessinées, une maison accessible pour des personnes à mobilité réduite, etc.

Ces fonctionnalités répondent aussi à un diktat : l’obligation de suivre les besoins d’internautes de plus en plus exigeants. "On est très vite démodé dans ce secteur, note le directeur général. Airbnb a eu le succès que l’on connaît car les sites pourtant précurseurs ne proposaient pas de locations à la nuitée et dans les résidences principales. GuestToGuest a également surfé sur un manque dans l’offre de services de ses concurrents. Le tout en tirant parti de la vague de l’économie collaborative. Il faut veiller à ne pas perdre son âme en choisissant notamment des investisseurs qui partagent votre état d’esprit, vous aident à vous développer sans vous mettre la pression sur vos résultats financiers. C’est l’élément clé pour rester fidèle à ses valeurs."

  • 1. De l’argent récupéré par la start-up, mais qui ne représentait que 2 % de son chiffre d’affaires en 2015.

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