Microcrédit, macrosuccès ?

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La campagne mondiale pour l’accès au microcrédit, lancée le 4 février 1997 à Washington et dont l’un des principaux artisans fut Muhammad Yunus, le fondateur de la Grameen Bank (Bangladesh), est entrée dans sa dernière ligne droite : servir 100 millions de foyers très pauvres d’ici à la fin de l’année. L’objectif sera-t-il rempli ? Selon le rapport du secrétariat de la campagne (State of the Microcredit Summit Campaign Report 2004, www.microcreditsummit.org), 2931 institutions de microcrédit comptaient, fin décembre 2003, une clientèle totale de 80,8 millions de personnes dans le monde, dont 54,8 millions -essentiellement des femmes- vivant avec moins d’un dollar par jour. Lors du lancement de la campagne, ils étaient respectivement de 13,4 millions et 7,6 millions, servis par 618 organismes. Si l’accroissement du nombre des clients pauvres observé en 2002 et en 2003 se poursuit -38% par an-, l’objectif de toucher 100 millions de familles en 2005- décrétée Année mondiale du microcrédit par les Nations unies- sera atteint.

L’accès à la microfinance dans le monde (décembre 2003)

Le marché mondial du microcrédit s’est développé avant tout en Asie, qui représente 88,4% de la clientèle totale, contre 8% pour l’Afrique subsaharienne et 2,3% pour l’Amérique latine. Cette inégale répartition se retrouve à l’échelle continentale. Deux pays, le Bangladesh et l’Inde, avec 23 millions d’emprunteurs chacun, représentent 64% de la clientèle asiatique. En Afrique, un client sur quatre est nigérian. Au total, dix Etats seulement, dont un en Amérique latine (l’Equateur) et deux en Afrique (Nigeria et Ethiopie), représenactent 90% de l’ensemble des emprunteurs. Cependant, Inde mise à part, une certaine saturation du marché de la microfinance s’observe dans ces pays. Ailleurs, une multitude d’institutions touchent une proportion limitée de la population. Dès lors, il n’est pas certain que le portefeuille des prêts continue à croître au même rythme que durant ces dernières années.

Surtout, ces chiffres impressionnants traduisent-ils une réelle amélioration de la situation des personnes concernées? Et parmi celles qui s’en sont sorties, quel est le mérite exact de la microfinance ? De l’aveu même des organisateurs de la campagne, prompts à faire état de données quantitatives, les évaluations qualitatives font défaut. La microfinance a certainement aidé des millions d’hommes et de femmes exclus du système bancaire formel, qui ont ainsi pu lancer des activités agricoles, artisanales ou commerciales. Mais ces succès ont aussi leurs revers. Au aBangladesh, il n’est pas rare qu’une cliente doive recourir à l’usurier pour honorer son emprunt... En Ouganda, des milliers d’emplois ont pu être créés. Mais cet essor tient aussi au fait que le microcrédit ne cible pas les plus pauvres.

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