Slovaquie : famille, je vous ai

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Dans ce pays profondément catholique, on se marie moins et on divorce plus. Comme à l'Ouest. Mais la solidarité familiale est un pilier de la société.

Katarina a tout juste 40 ans. Energique et combative, elle a profité de l’adhésion de son pays, la Slovaquie, à l’Union européenne pour "changer sa vie", grâce à son expérience d’interprète en français et en espagnol. Quitte à chambouler la vie de toute sa famille. Fonctionnaire à Luxembourg, Katarina s’y est installée avec ses quatre enfants. Son mari vit toujours à Bratislava, où il travaille. Il leur rend visite un week-end sur deux ou trois. Katarina n’a pas vu ses parents depuis six mois, mais elle les appelle souvent. "C’est une expérience enrichissante pour nous tous, dit-elle, mais elle ne ressemble en rien à ce que j’imaginais, petite fille grandissant dans la Slovaquie communiste."

Chute de la natalité

Dans cette société rurale, profondément catholique, la structure familiale est restée longtemps traditionnelle. Et le régime communiste ne l’avait pas modifiée. Depuis l’arrivée au pouvoir en 1998 du gouvernement réformateur du chrétien-démocrate Mikulas , la situation change et se rapproche peu à peu des comportements occidentaux. "Les gens veulent gagner de l’argent. Ils attachent plus d’importance à leur réussite individuelle, explique Martin Simecka, rédacteur en chef du quotidien SME. La famille est de moins en moins au coeur de l’imaginaire individuel, en particulier pour les jeunes générations très qualifiées de Bratislava et des villes moyennes du pays. D’une manière générale, l’âge du mariage recule, atteignant 24 ans pour les femmes et 26 ans pour les hommes. Le taux de nuptialité1 s’effondre, passant de 7,9 pour mille en 1980 à 4,8 en 2003 (contre 4,6 en France). Le taux de divorce augmente, de 1,3 pour mille en 1980 à 2 en 2002 (2,1 en France). Et la natalité s’effondre, avec 1,2 enfant par femme contre 2,9 en 1991.

Entraide entre générations

Pourtant, la famille reste une valeur fondamentale et surtout une ressource face aux bouleversements de la vie de l’immense majorité des Slovaques. ABratislava comme partout ailleurs aux abords de la frontière autrichienne, c’est grâce à la solidarité familiale que de nombreux jeunes couples peuvent travailler à Vienne, dans le secteur hospitalier, la restauration ou le bâtiment, et rentrer en Slovaquie parfois très tard le soir. "Sans nos mères qui se relaient pour s’occuper des enfants, ce serait impossible", reconnaissent Juraj et Sona, infirmiers dans un hôpital autrichien. Leurs parents jonglent entre la solidarité avec les enfants et des petits boulots de jardinage ou de ménage qui complètent leurs maigres retraites. Car la récente libéralisation du secteur de la santé grève les budgets. Mais Ana, la mère de Sona, ne veut pas dramatiser: "Avant, il fallait de toute façon offrir des bakchichs au médecin..."

Nombre de médecins pour 100 000 habitants (2001)

C’est dans les campagnes que la solidarité, née de la proximité physique entre générations, reste la plus forte. "Avec le potager que chacun cultive autour de chez lui, le système d’entraide familiale permet aux Slovaques de supporter les coupes claires dans les budgets sociaux, la stagnation des retraites et un chômage qui se maintient aux environs de 13%", estime Alexandr Slavnofsky, le maire libéral de Liptovsky Mikulas (33000 habitants), petite ville du centre-est du pays. Irena, secrétaire de mairie, a d’ailleurs refusé plusieurs opportunités de travail à Bratislava. "J’aurais eu l’impression d’être une mère, une épouse et une fille indigne, explique cette catholique fervente, si je délaissais mes deux fils adolescents, mon mari et mes parents." Au-delà des statistiques sur la nuptialité et le divorce, l’institution familiale résiste. Et elle est peut-être l’un des ressorts de l’actuelle réussite économique de la Slovaquie.

  • 1. Le taux de nuptialité est le rapport entre le nombre de mariages par an et la population totale moyenne de l’année.

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