Entretien

ONU "La réforme du Conseil de sécurité est bloquée"

3 min
Céline Nahory Céline Nahory suit, depuis 2001, les travaux du Conseil de sécurité de l'ONU pour le Global Policy Forum, think-tank basé à Washington.

"Les grands pays du Sud, notamment l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud, réclament depuis longtemps un siège de membre permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, arguant d’un fait indéniable: la composition du Conseil, instituée en 1945, n’est plus adaptée au monde actuel. Mais tout élargissement est bloqué. D’abord parce qu’ils sont divisés. L’Assemblée générale, où les pays du Sud sont dominants, devrait voter une telle réforme aux deux tiers de ses membres. Or le Pakistan refuse que l’Inde soit membre permanent. Le Mexique et l’Argentine sont opposés à la candidature du Brésil. Le Nigeria et l’Egypte à celle de l’Afrique du Sud... Ensuite, même s’ils affirment le contraire, certains des cinq membres permanents actuels, les Etats-Unis et la Chine surtout, ne veulent pas élargir le Conseil aux grands Etats du Sud. Et ils opposeraient probablement leur veto à une réforme en ce sens. Le Conseil de sécurité serait-il plus représentatif des pays en développement s’il intégrait comme membres permanents de grands Etats du Sud? Ce n’est pas garanti, comme l’illustre le comportement des membres non permanents (sans droit de veto). Le Conseil en compte dix, élus pour des mandats de deux ans par des groupes régionaux. Et l’expérience montre que lorsqu’un Etat est désigné, il se soucie de défendre ses intérêts nationaux. Pas ceux de la région qui l’a choisi. Le Brésil et l’Argentine ont néanmoins créé un précédent. Sachant qu’ils allaient se succéder pour représenter l’Amérique Latine, ils ont échangé des diplomates durant leurs mandats respectifs. Mais rien de comparable n’existe pour l’Asie et l’Afrique.

Aujourd’hui, de nombreux sujets sont tabous au Conseil, à cause de la menace de veto : le Tibet du fait de la Chine, la Tchétchénie du fait la Russie... Si l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud l’intégraient avec droit de veto, la liste de ces tabous augmenterait au risque de bloquer davantage son action. Et supprimer le veto est irréaliste, car les membres permanents s’y opposeraient. D’autres formules ont été proposées, visant à élargir le Conseil sans droit de veto pour les nouveaux membres. Préférables, ces modèles présentent des inconvénients. Même si les aspirants accepteraient de se voir priver de veto, un Conseil à 24 perdrait nécessairement de sa capacité de réaction. Les négociations deviendraient plus laborieuses et toute action s’en verrait paralysée.

Il est possible en revanche d’améliorer la transparence des délibérations. Aujourd’hui, de fait, les membres permanents décident de l’inscription ou non d’un sujet à l’ordre du jour du Conseil. Ce qui le cas échéant leur évite d’avoir à utiliser leur veto et donc à en justifier l’utilisation. Pire, les discussions entre les cinq permanents sur les sujets sensibles ne font l’objet d’aucun compte rendu écrit. Tout débat avec les autres membres et devant l’opinion publique est donc impossible. Pour l’heure, cà l’Assemblée générale que les pays en développement exercent l’essentiel de leur influence. En faisant bloc, ils ont réussi à contrer, en juillet dernier, les projets des Etats-Unis, du Japon et de l’Australie visant à limiter les dépenses des Nations unies, projets mettant en danger de nombreux programmes bénéficiant aux population des pays défavorisés."

Propos recueillis par Yann Mens

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