Entretien

"Les positions américaines sur l’IVG sont meurtrières pour le Sud"

2 min
Steven Sinding Steven Sinding directeur général sortant de la Fédération internationale pour la planification familiale (IPPF)

"Aucune ONG étrangère ne peut bénéficier de l’aide internationale américaine si celle-ci ne rejette pas explicitement l’avortement. Cette mesure, décidée par l’administration Reagan à l’issue de la conférence mondiale sur la population, en 1984 à Mexico, annulée sous le mandat Clinton, a été de nouveau décrétée, dès l’installation de George W. Bush à la Maison Blanche, en 2001. L’IPPF, la Fédération internationale pour la planification familiale et ses organisations membres, qui apportent leurs services à 38 millions de personnes dans le monde, ont refusé de se soumettre à ce que les ONG qualifient de "règle du bâillon planétaire". L’impact a été terrible. Du jour au lendemain, nous avons perdu une subvention annuelle de l’Usaid de 15 millions de dollars, ce qui à l’époque représentait le quart de notre budget. Résultat, sur le terrain, de nombreuses ONG ont dû couper

dans leurs programmes. Au Kenya, cela s’est traduit par la fermeture de trois des dix cliniques gérées par nos membres. Séduire les électeurs de la droite chrétienne américaine est l’unique motivation de cette politique. Qui loin de constituer un frein à l’avortement produit l’effet inverse. Les associations de planification familiale qui militaient pour le droit à l’avortement ont réduit leurs services de contraception, ce qui se traduit par davantage de grossesses non désirées. Autre effet pervers: les pays pauvres hésitent à libéraliser leur législation sur l’IVG, ce qui maintient cette pratique dans la clandestinité, avec les conséquences que l’on sait pour la santé des femmes. Certes, la règle du bâillon planétaire s’applique aux ONG étrangères, non aux Etats eux-mêmes -une ingérence qui, sur un plan juridique et diplomatique, aurait été plus difficile à imposer-, mais la crainte de nombreux gouvernements que Washington réduise son aide au développement n’en est pas moins forte. La mobilisation des ONG contre cette politique aussi démagogique que dévastatrice est, hélas, sans effet. Le seul espoir réside dans un changement de majorité aux Etats-Unis. "

Propos recueillis par Antoine de Ravignan

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